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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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une dignité ferme   :
    — Frappez-moi, cela me sera compté…
    Un déporté qui parlait allemand s’interposa. Le Kapo se laissa fléchir.
    — Allons, reste sur le côté.
    *
    Soixante-huit prêtres et religieux séjournèrent à Neuengamme (175) . Dix d’entre eux, groupés autour de M gr  de Solages, recteur de l’institut catholique de Toulouse, furent reconnus « prisonniers d’honneur » et dispensés de travail en Kommando. Tous les autres subirent le sort du père Humbert   :
    — Lorsque (176) notre convoi partit de Compiègne, le 15 juillet 1944, M gr  Théas était avec nous sur les rangs. Il avait pris la parole à la messe, un dimanche, dans le camp, revendiquant très haut les droits de la personne humaine. Le dimanche suivant, en guise de messe, les gardiens l’avaient envoyé aux pluches. Le jour du départ, redoutant sans doute sa parole, ils le rejetèrent des rangs. Il se retourna, nous bénit en disant   : « Allez mes amis, tout est grâce. » Je revois cette journée du 15 juillet à Compiègne. Le matin   : appel général en vue du départ en Allemagne. Chacun y va le sourire aux lèvres, mais, une fois son nom appelé, revient tristement faire ses maigres bagages. Je logeais alors à l’aumônerie. À chaque instant la porte s’ouvre, on vient chercher une médaille, une image, un chapelet, un Évangile, une absolution. J’ai passé presque toute la soirée à confesser. J’ai vu couler des larmes d’hommes, c’est déchirant. On partait sans défense, sans vivres, sans rien. Seule la force intérieure nous soutenait. Chaque « groupe » s’était arrangé pour avoir, un prêtre. Au départ la Marseillaise éclata dans tous les wagons. Le voyage en plein mois de juillet, à cent par wagon, fut pénible, mais le pire fut ce que l’on a appelé   : « le wagon des 103 ». Les S.S. avaient entassé là tous les déportés des wagons où il y avait eu évasion. Ils étaient cent trois, tout nus, sans air, ni lumière, ni boisson avec de la chaux vive par terre, et cela dura quatre jours. Je revois l’abbé Eliot curé de Bérangeville (Eure), mort plus tard à Dachau, en sortir hébété, et, tous les hommes le remercier et l’embrasser. Lui seul avait su, dans cet enfer de quatre jours, maintenir l’ordre et le courage. C’était un bon vivant, et il savait grouper ses hommes pour la prière. Quelle ascension spirituelle il a opérée en lui et autour de lui   !
    — À notre arrivée à Neuengamme   : douche et épilage… Je fus étendu à côté d’Albert Sarraut, ancien président du Conseil. Aux douches, un prêtre ayant gardé son chapelet autour du cou, un S.S. l’arracha en criant   : « Ici il n’y a pas de bon Dieu   ! » On nous avertit de suite que tout culte était interdit sous peine de mort. Nous nous réunissions alors par cinq pour méditer le rosaire sur nos doigts. La confession était le seul sacrement possible. Nous avons essayé d’organiser quelques cercles d’études, cachés derrière les potences, dans la cour du block 16, mais cela dura peu, car les départs en Kommandos bouleversaient tout.
    — « Par cinq », tel était le mot d’ordre de tout. On allait par cinq, mangeait par cinq, travaillait par cinq… Un jour je poussai un wagonnet de terre avec quatre camarades. Leur ayant demandé ce qu’ils faisaient dans le civil, j’appris que tous les quatre étaient des préfets   : MM. Bussière, Bonnefois et MM. les préfets du Finistère et de la Seine-et-Oise. Un prêtre a émergé durant le mois que je passai au camp   : le père de Toulemonde S.J. Il y avait alors, dans notre block 10, un petit abbé qui était interprète et qui « fricotait » avec les Allemands. C’est le seul cas que j’aie connu. Tous s’en apercevaient et en étaient scandalisés. Un jour, devant tous les déportés du block, le père Toulemonde lui dit fortement   : « Monsieur l’abbé, au nom de tous les prêtres qui sont ici, je me désolidarise complètement de votre attitude envers les Allemands. »
     
    — Salzghiter est un Kommando dépendant de Neuengamme. Nous travaillons avec des prisonniers de guerre. On les avait prévenus   : « Vous allez voir arriver des bandits, des terroristes… » Le premier contact s’avère difficile. L’un d’eux hasarde le mot terroriste. « Nous sommes six curés dans mon équipe, lui dis-je, tu ne vas pas nous faire croire que nous sommes des terroristes   ! » Au

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