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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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j’achève leur initiation. Le jour de Pâques, le quasi-néophyte, tout heureux, arrive et me remercie pour sa première communion. Que de fois pendant le séjour à l’infirmerie n’ai-je pas été prié par les camarades d’un malade d’aller lui porter les sacrements et que de fois, ceux qui passaient ces messages n’étaient point des « pratiquants ».
    — Sorti de l’infirmerie après deux mois de séjour, je retrouvai la vie du camp notablement changée. La raideur de la discipline s’était sensiblement relâchée   ; les jeunes S.S. et ceux de la première heure – les fanatiques – avaient été envoyés au front. La vie religieuse du camp en profita.
    — Les prêtres polonais, par exemple, auxquels l’usage de la chapelle était refusé, ne se souciant pas de la défense d’exercer le culte, organisèrent, dans chaque chambre de leur block, des « messes dominicales clandestines », combien émouvantes. Ayant été invité à prêcher un Avent chez eux, je pus me rendre compte. C’était tout au matin, vers 5 h 30. Dans le « stube » tous sont assis autour des tables. Au milieu de la salle, un poêle en maçonnerie. À la table que masquait cette « construction » , un prêtre ne portant que l’étole célèbre… À la communion, on circule de table en table et l’on porte aux assistants la Sainte-Eucharistie. Dehors, des vigies montent la garde pour avertir de l’arrivée possible des S.S.
    *
    Le premier dimanche de l’Avent 1943, l’abbé Jean Seelig et deux autres prêtres se promènent sur la place d’appel. Pluie fine et glacée. Le haut-parleur diffuse un discours de Goebbels sur l’ouverture du « secours d’hiver ».
    — À (202) la fin du discours, retentirent le chant du Parti ( Horst Wessel Lied) et l’hymne national (Deutschland Über Alles). Nous continuâmes notre promenade, casquette en tête et cigarette aux lèvres. Le S.S. chargé de repérer les déportés qui ne se découvraient pas pendant l’exécution des hymnes, nous suivait à la jumelle. Il enfourcha une bicyclette et fondit sur nous. Nous nous figeâmes sur place pour subir l’invective, nous gardant bien de dire mot. Punition   : debout au garde-à-vous pendant trois heures, sous cette pluie froide et suppression pendant un mois de la « brotzeit » (supplément de nourriture des Kommandos). Le lendemain j’entrais à l’infirmerie pour quatre semaines avec une bronchite et une furonculose faciale.
    Lorsque l’abbé Seelig revint à son Kommando, l’Oberscharführer Otto Linnemann s’étonna de cette suppression de la « brotzeit ».
    — Vous m’étonnez   ! vu votre instruction et votre éducation, vous devez savoir qu’on doit toujours saluer l’hymne national du pays où on se trouve.
    — D’accord, en temps normal. Mais vous savez bien qu’il nous est sévèrement interdit de chanter l’hymne national ou un chant du parti. Alors je n’ai pas osé les saluer.
    Otto Linnemann fut impressionné par cet argument. Deux jours plus tard, lui et ses camarades, recevaient une caisse de pommes d’Italie. Il fit demander l’abbé.
    — Écoutez   ! Je ne suis pas d’accord avec la sanction qui vous frappe. Alors, voici la caisse   : servez-vous tant que vous voudrez.
    Ce soir-là les prêtres français de Dachau dégustèrent les pommes acides de « Badoglio ».
    *
    Tous les matins, l’abbé Béran, le futur archevêque de Prague, recherche les poux sur le corps des prêtres… Il avance baguette en main   :
    — Vous permettez   ?
    — Merci.
    — Baissez le pantalon…
    Dans un coin du block, consciencieusement, l’archevêque orthodoxe de Prague, découpe dans de vieux journaux des petits rectangles à usage postérieur.
    *
    Je fus appelé (203) un soir auprès d’un petit parisien de seize ou dix-sept ans qui se mourait de dysenterie sur une infecte paillasse.
    — Je suis un prêtre français. Tu veux te confesser   ?
    Il reçut le bon Dieu et les Saintes huiles avec une grande paix.
    Puis il fut pris d’un gros sanglot.
    — Docteur, docteur   ?
    — Je ne suis pas le docteur. Je suis un Père.
    — Oui je sais, mais vous êtes le docteur de mon âme.
    Puis les sanglots redoublèrent.
    — Qu’as-tu donc   ?
    — Je veux revoir ma petite maman. Je veux revoir ma petite maman.
    Extrêmement ému, je lui demandai de m’embrasser comme si j’étais sa petite maman. Et je sentis deux maigres bras serrer mon cou, et sur ma joue un gros

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