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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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baiser brûlant de fièvre, un gros baiser pour cette petite maman qui ne reverrait jamais plus son enfant.
    *
    Les prêtres l’avaient surnommé   : « Notre-Dame de Pèle-Voisin ». Curé d’une petite paroisse de Belgique, grand, maigre, toujours coiffé d’un immense béret noir, on pouvait le voir monter la garde, sans cesse, devant son placard. Il avait entassé dans quatre cartons ses richesses « alimentaires ». « Pèle-Voisin » craignait les mauvais jours et pour rien au monde il n’aurait entamé ses réserves… Plusieurs prêtres vinrent le trouver   :
    — Donnez-nous quelque chose, ne serait-ce que trois ou quatre morceaux de sucre. Dans les blocks de quarantaine, dans les blocks de Kommando, au Revier, des dizaines de déportés meurent de faim…
    — Allez trouver les Allemands. Ils sont plus riches que moi.
    Une semaine plus tard, un prêtre belge se plante devant « Pèle-Voisin » et son placard.
    — J’ai une surprise pour toi.
    — Pour moi   ?
    — Que dirais-tu d’un bon fromage de chez nous   ?
    — Un fromage belge   ?
    — Oui, j’en ai reçu un dans un colis. Regarde   !
    Le prêtre sort d’un sac de toile une merveilleuse boule rouge… une croûte bien grasse, molle sous le doigt.
    — Tu veux sentir   ?
    — Non   ! Combien   ?
    — Vingt cigarettes.
    « Pèle-Voisin » n’aurait sans doute pas accepté le marché si son confrère lui avait réclamé de la confiture, du café, du sucre… mais des cigarettes… il en avait une bonne quinzaine de paquets dans son « coffre-fort » et il ne fumait pas.
    — Va pour vingt cigarettes   ?
    — Va pour vingt cigarettes. Mais c’est cher   !
    « Pèle-Voisin » enferme son fromage et reprend sa garde.
    Le vendeur de fromage, dans le block des prêtres allemands, échange ses cigarettes contre du sucre. Le soir au retour d’un Kommando il offrira ce « remontant » aux plus faibles travailleurs.
    « Pèle-Voisin » ne se décida à entamer son fromage qu’une semaine plus tard. La croûte avait un peu durci. Un coup de couteau… Stupeur   ! Sous la croûte épaisse, la lame venait de fendre une boule de terre glaise. À dater de ce jour « Pèle-Voisin » changea de surnom… Il devint « Pèle-Voisin Pelé » (204) .
    *
    Après avoir raccommodé des paillasses, fabriqué des ficelles, dirigé un Kommando de désinfection, participé avec une trentaine de confrères à la Commission Officielle des Tueurs de Mouches, l’abbé François Goldschmitt se retrouve Kapo des « arroseurs »   : une vingtaine de Russes, armés d’arrosoirs qu’ils remplissent dans le Wurmbach, déversent six heures par jour, une pluie fine sur la route qui relie les bureaux S.S. à la Kommandantur   ; ainsi les officiers ne sont pas incommodés par la poussière. Mais l’abbé Goldschmitt, toujours à la recherche d’une « plaisanterie » transforme le chemin en bourbier. Il est chassé sans ménagements pour se découvrir des talents… d’inspecteur général   :
    Pour (205) les trois cent cinquante raccommodeurs de bas, cordonniers et tailleurs, logés dans la cave du bâtiment n° 4, il n’y avait qu’un nombre très minime de W.C. situés au premier étage. On y accédait par un escalier après avoir traversé la place. Chacun profitait volontiers de l’occasion pour échapper, de temps à autre, à l’atmosphère empestée de cette cave, respirer un peu d’air frais et, avant tout, pouvoir en toute tranquillité griller une cigarette, ce qui n’était guère possible que dans ce lieu. C’est pourquoi une foule bruyante assiégeait sans cesse les W.C. Comment remédier à cette calamité, qui causait de véritables casse-tête à notre pauvre Kapo, déjà bien nerveux, et lui inspirait d’interminables discours, dont il nous accablait à chaque instant   ? Des projets de réformes, de changement de méthode, des menaces de sanctions ne suscitaient que notre rire. Rien n’y fit. L’assaut des W.C. noyés de fumée, continuait. Durant une nuit d’insomnie, l’imagination féconde de notre Kapo avait élaboré une solution radicale. Il créa la commission des W.C., dans laquelle trois prêtres avaient siège et voix. Dans le hall était assis un curé, chargé de la mission officielle de contrôler après chaque séance la propreté des sièges. Un second curé, à l’instar des policiers sur les places de nos grandes villes, devait régler la circulation. Votre humble

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