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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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Au pas cadencé… en avant… marche   !
    L’abbé Goldschmitt sort le premier   :
    — À peine avions-nous franchi le portail du block et atteint la large chaussée du camp, que les rangs se rompirent et que, malgré la défense expresse, les plus jeunes d’entre nous, aussitôt suivis de tous les détenus détalaient au pas de gymnastique. Le sol gelé, rugueux, écorchait la plante des pieds. Le froid me coupa l’haleine, je n’en pouvais plus. Haletant, je m’arrêtais un instant. Là-bas, deux camarades gisaient à terre, deux cadavres ou presque. L’abbé Cordonnier avait des jambes couvertes de plaies ouvertes depuis des semaines, il ne se traînait que péniblement, à bout de souffle. Nous nous tendions réciproquement le bras. « Si jamais je devais mourir, me dit-il, donnez-moi l’absolution. Et pourtant mon Dieu, je n’aimerais pas être incinéré à Dachau. »
    — Les larmes me montaient aux yeux. Nous continuions de nous traîner péniblement quand mon compagnon trébucha et s’effondra évanoui sur le sol, la figure exsangue. Je m’agenouillai à son côté sur le sol glacé et bégayai une prière. Moment inoubliable   ! Je cherchai à le relever. Impossible   : il était trop lourd. Nicolas Muth, nu comme nous, s’approche, frappe du pied mon ami gisant à terre et hurle à tue-tête   : « Debout vieux cochon… en avant marche   ! Sinon je te piétine le ventre. »
    — Cordonnier soulève le buste, qui retombe en arrière aussitôt. Muth appelle trois hommes. Nous empoignons le prêtre. Malgré le froid, je transpire. Tous mes membres tremblent de faiblesse. Devant mes yeux tout à coup, un rideau opaque… et vlan… me voilà par terre à mon tour, entraînant dans ma chute l’infortuné confrère. Les trois autres de se mettre à jurer et de se sauver, nous abandonnant à notre sort. Le sang dégoulinait de mes genoux meurtris, mes pieds étaient en sang. Je gémissais de douleur ou plutôt de rage. Quelques détenus des « blocks libres » emportèrent Cordonnier aux douches, je les suivis lentement, titubant.
    — À mon arrivée, le malheureux ami était étendu sur un banc. Livide comme un cadavre, bégayant quelques syllabes confuses, réclamant de quoi se couvrir. Rien à dénicher nulle part. Je m’affaisse à ses côtés pour le réconforter alors que mon propre courage avait fait naufrage. Les autres camarades déambulaient, jasant, riant. Plus de gêne   : on s’habituait à la nudité. Au bout de trois heures, on réintégra le block, les jeunes au pas de gymnastique, les vieux en boitant. Cordonnier dut être ramené. Notre promenade en costume d’Adam, par ce froid glacial, avait été vaine   : les produits de désinfection n’étaient pas arrivés. Jugez de notre déception et de notre rage.
    — Le 24 décembre, à la veille de la douce fête de Noël, après l’appel vers 6 heures du matin, nouvelle alerte   : il fallait se déshabiller, se rassembler pour les douches. Le temps avait changé   : il neigeait. Appuyé sur deux bras secourables, Cordonnier s’avançait lentement. Devant nous, sur des tabourets, la commission de désinfection, composée de détenus. Des S.S. circulent, nous palpent de leur regard lubrique, rient et plaisantent. Un ordre est lancé   : « Rassemblement colonne par un   ! » Le matador de la commission plonge sa seringue dans un seau débordant d’acide caustique. « Haut les mains   ! commanda-t-il à l’homme de tête. » Une pression sur la seringue injecte l’acide dans la peau. Rugissement de douleur. La seconde injection pénètre dans la poitrine, la troisième dans le bas-ventre et les parties génitales.
    « Demi-tour   ! Baissez le tronc   ! Des deux mains écartez les fesses   ! »
    Nouvelle injection brutale.
    « Rompez   ! »
    Hurlant de douleur, le « patient » court aux douches.
    — Bientôt (197) ce fut mon tour. Le triple commandement fut précédé de la remarque, sortie de la bouche d’un S.S. ou d’un détenu (ce détail m’échappe)   : « Ah voici le frocard à la salle gueule   ! Nous allons lui brûler la panse. » On enfonce la seringue dans un acide à peine dilué dans l’eau, et la brute m’en administre une dose plus forte qu’aux autres camarades d’infortune. J’avais l’impression que tout mon tronc se consumait en flammes. On avait visé surtout les parties corporelles les plus sensibles. La torture était inhumaine. Le feu gagna ma

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