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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pénitent.
    Puis, tous deux s’arrêtent un instant   ; le prêtre sort de sa poche une petite boîte – comme le Seigneur est accommodant – boîte de pastilles, boîte de cirage soigneusement nettoyée, et dépose la précieuse hostie dans la main du communiant   ; dans la main pour ne pas attirer l’attention.
    Que l’on s’imagine la difficulté qu’il y aurait à donner la Sainte-Communion sans être vu sur un grand boulevard parisien, à une heure d’affluence et l’on pourra réaliser la prudence et la ruse dont il fallait faire preuve.
    Le communiant porte l’hostie à ses lèvres en tremblant. Il hésite souvent   ; la petite hostie blanche se détache sur la main calleuse et parfois bien sale du misérable communiant   :
    — Dépêchez-vous, vous allez nous faire prendre, fallut-il dire plusieurs fois.
    L’un d’eux me dit un soir, les larmes aux yeux   :
    — Je viens de toucher ma portion de pain de camp, mais ce pain que vous m’avez donné me fait plus de plaisir et plus de bien encore.
    Il faut savoir, pour comprendre toute la portée de cette déclaration, ce que représentait un morceau de pain, si infect soit-il, pour un pauvre homme mourant de faim.
    Un autre me dit après avoir ainsi communié dans le froid glacial d’une nuit d’hiver   :
    — Mon Père, c’est le plus beau jour de ma vie.
    Le matin, avant le travail, de petits groupes se réunissaient le plus discrètement possible et recevaient – oh   ! sans cérémonie – le précieux viatique dans la main… et s’éclipsaient rapidement.
    J’ai connu deux jeunes Français, deux frères qui ont « tenu » tout un hiver dans un Kommando extrêmement pénible grâce, j’en suis persuadé, à leur communion quotidienne.
    Pendant les périodes de quarantaine de typhus, alors qu’il était impossible de pénétrer dans l’hôpital du camp, des prêtres français, mes compagnons ou moi-même, nous pûmes faire passer chaque matin une provision d’hosties à des médecins ou infirmiers français qui distribuaient eux-mêmes la communion à nos malades.
    Un réseau eucharistique s’étendit ainsi, invincible à travers tout le camp.
    *
    — Monsieur l’abbé, on ne s’évade pas de Dachau   !
    — Moi, je pars pour la Suisse.
    — La Suisse   ?
    — Je vous assure   ! Ne me posez pas de questions, je ne pourrais répondre   ; c’est mon secret. J’ai toujours eu de la chance… depuis soixante-quatorze ans. J’ai pu me procurer une carte détaillée de l’Allemagne et une boussole contre pas mal de tabac et de cigarettes   ; je suis prêt. J’ai même ravaudé mon costume… Il ne manque aucun bouton   !
    L’abbé Hénocque possédait bien une boussole et une carte mais pas de « secret ». Il voulait partir. Tout simplement parce qu’il était l’abbé Hénocque il partirait. Depuis quinze soirs qu’il longeait la première ligne de barbelés, il avait étudié les habitudes des S.S. et découvert une zone d’ombre entre deux miradors. Une planchette servirait de levier pour soulever les barbelés du sol.
    Le soir du Mardi-Gras   :
    — Au moyen de ma planchette, je soulevai le premier barbelé entre deux piquets et me glissai dessous. Je fis de même pour la seconde ligne et je rampai vers la troisième quand, soudain, j’entendis deux hommes parler en allemand et qui se dirigeaient vers moi.
    Collé au sol, l’abbé récita son acte de contrition, attendit une dizaine de minutes, et rebroussa chemin.
    Le lendemain, il conta son aventure à Dom Gabriel Houdet, Père Abbé du monastère d’Urt.
    — Comment   ! Quelle folie   ! La Providence heureusement veillait sur vous. Cette troisième ligne de barbelés…
    — J’en étais à quelques centimètres.
    — Elle est électrifiée.
    — Électrifiée   ?
    — Oui   ! Tout le camp le sait.
    — Je l’ignorais.
    *
    Dans les premières semaines de 1944, Roger Bibonne annonça   :
    — Les Français toucheront demain ou après-demain des colis   !
    Bibonne, spécialiste du colportage des « bonnes nouvelles », ne fut pas pris au sérieux.
    — Des colis de la Croix-Rouge   ! Tu parles. Les colis c’est bon pour les Allemands, les Norvégiens, les Hollandais… nous…
    Le lendemain cependant, les Français de la Stube Vier étaient convoqués cinq par cinq.
    Le « tuyau » se précisait. Chacun rêva de cigarettes, de café, de chocolat, de sucre. Chacun imagina le profit qu’il pourrait tirer de tel ou tel

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