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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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serviteur devint secrétaire général de cette commission d’importance vitale. Pour endiguer cette écrasante affluence humaine, il me fallait dresser la liste de tous les mortels que tourmentaient le besoin de monter aux W.C. L’ascension n’était permise qu’à deux hommes à la fois. Je disposais également du pouvoir des clefs de cet établissement sanitaire. Sur une large feuille de papier s’allongeaient deux listes surmontées des titres suivants   : « Grande commission » (au-dessus de la première), « Petite commission » (sur la seconde). Le premier groupe bénéficiait de dix minutes, l’autre de quatre seulement. La liste des candidats était toujours très longue, et l’affluence de nouvelles pétitions était continuelle. Voici qu’un jour s’amena un moinillon, m’annonçant d’une mine pâle un besoin extrêmement urgent. Je lui fis comprendre sèchement qu’il lui fallait attendre son tour jusqu’au lendemain à 9 h 30. Mais lui de me rétorquer avec le même air sec   :
    — Tant pis, il y aura court-circuit   ; ça fera une belle catastrophe.
    La commission des W.C. devint bientôt et à juste titre un sujet de raillerie. Au bout de quelques jours, on l’enterra pour toujours. Personnellement, je proposais une autre solution. Un inspecteur général devait faire continuellement la navette de la cave aux W.C. pour stimuler les traînards, noter les rebelles et confisquer les cigarettes des fumeurs, etc. Mon plan fut admis à l’unanimité et je fus investi personnellement des fonctions d’inspecteur général. La charge n’était pas contraire à mon goût, puisque j’avais la fièvre des voyages. Un beau matin, un officier du camp, que je ne connaissais pas, m’aborda   :
    — Que signifie votre va-et-vient continuel   ? Restez à votre travail   !
    En deux mots je lui expliquais mes obligations officielles. Et lui de conclure en riant   :
    — Vous êtes donc l’inspecteur général des chiottes   ?
    J’inclinais la tête en signe d’affirmation.
    — Quelle est votre profession civile   ?
    D’un air foncièrement sérieux, j’accentuais expressément la réponse   :
    — Monsieur le chef de camp, selon les données du dossier   : Commissaire épiscopal de Metz.
    La réflexion plissait soudain le front sombre de l’officier. Sans être fin psychologue, je pouvais lire les pensées qui sillonnaient à cet instant le cerveau de cet S.S.
    — Un commissaire épiscopal devient inspecteur général des W.C. à Dachau. Pauvre Himmler, de quelle honte ineffable ne nous as-tu pas couverts aux yeux du monde entier, avec tes camps de concentration   !
    Sans doute, cet officier a dû conclure logiquement, quelques mois après Stalingrad, en ces termes caractéristiques de la terminologie triviale de Dachau   : Tout le système national-socialiste n’était que de la m…   !
    *
    Un soir (206) après l’appel qui a duré plus longtemps que d’habitude, dans la chambre 4 du 26, on entend une « Marseillaise », malgré les « ruhe  » (silence) de certains… C’est Robert Muller, prêtre lorrain, ancien officier d’aviation qui joue sur un violon « organisé » on ne sait où. À côté de lui, Nicolas Lamboray, prêtre belge, vêtu d’une capote bleu horizon – le « sanglier des Ardennes » comme nous l’appelions – chante à tue-tête notre hymne national.
    «  Allons enfants de la patrie   ! »
    Stupeur de quelques prêtres allemands. Nous reprenons en chœur   ! C’est folie gratuite. À quelques dizaines de mètres, dehors les mitrailleuses S.S. pointent d’un mirador au-dessus d’un projecteur géant qui balaye la morne cité…
    Le lendemain   :
    Dans la grande allée du camp, je me hâte vers ma baraque. Un inconnu m’aborde   : il porte le F sur le triangle rouge   :
    — Vous ne connaissez pas un prêtre français   ?
    — Je suis moi-même prêtre.
    — Ah   ! tant mieux   ! Voulez-vous me confesser   ?
    Rien pourtant ne me distinguait au milieu des pauvres hères qui passaient à côté. Il était médecin. Et tout en continuant au même pas… L’opération fut rapide, mais combien sérieuse et réconfortante pour l’un et l’autre.
    *
    Le soir (207) , sur la « lagerstrasse », la grande avenue du camp, deux détenus semblent causer innocemment, croisés et doublés sans cesse par des milliers de détenus vêtus comme eux de défroques et de « rayés ». C’est un prêtre et son

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