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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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le plus horrible que le Christ ait reçu dans sa Passion qui dure toujours, le plus impardonnable, parce qu’il le reçoit sur la face de sa Mère   ! »
    — Les prisonnières des camps de Kaufering étaient astreintes à des travaux de terrassement dans une immense usine souterraine. Des hommes chargeaient des wagonnets que de véritables attelages de femmes tiraient sur rails, les S.S. dirigeant la manœuvre à coups de fouet. Je m’y trouvais un jour à porter secours à un garçon qui venait d’être écrasé par l’un de ces wagonnets. Un jeune médecin juif parmi les prisonniers, dépourvu de tout moyen, essaya en vain d’arrêter l’hémorragie, et devant ce spectacle et ces attelages humains qui rappelaient les travaux forcés sous les pharaons, auprès des pyramides, il me souffla à l’oreille en hébreux   : « Misraïm » (Égypte).

 
     
    Sur la place d’appel…
    L’orchestre russe, revêtu des dépouilles sang et or des gardes royaux yougoslaves, offre un concert aux déportés. Les S.S. comptent et recomptent les « stucks ». Au premier rang du block 26, M gr  Piguet bavarde avec son voisin. Un S.S. les gifle. L’évêque essuie quelques larmes nerveuses (210) .
    Le soir, au block, il confie à Edmond Michelet   :
    — J’ai manqué de dignité tout à l’heure en me laissant aller à pleurer ainsi, comme un enfant. D’autres, qui sont nos modèles, ont été maltraités. Un Autre en particulier a été souffleté au visage, Lui aussi…
    Un silence.
    — Mais eux, ce n’était pas en musique…
    *
    — Tu as vu dans les arbres, près du crématoire   ?
    — Vu quoi   ?
    — Des nids   ! Les S.S. ont mis des nids artificiels pour que les oiseaux n’aient pas froid cet hiver.
    *
    L’abbé Maurice Tauziède (211) découvre Dachau   :
    Place d’appel immense…   ! Les trois cent quarante du convoi sont là, en rangs serrés, muets, hirsutes, malpropres, les yeux fiévreux, les pieds gonflés. Ça hurle partout. Les chiens, langues tirées, tournent autour du troupeau. Les S.S. nous poussent en vociférant. Devant nous, sur un tonneau, un grand gaillard, casquette civile sur la tête, veste fripée, ornée d’un triangle rouge et d’une croix rouge sur le dos, nous répète en un français à l’accent rude, les paroles d’un gradé S.S.   :
    — Ici, il faut obéir… Il faut travailler… être propre… et vous serez heureux   !
    Et de lui-même, lorsque le S.S. tourne le dos, il ajoute à voix plus basse   :
    — Vous êtes tous bien arrivés, pas de malades, pas de morts. Remerciez-en Dieu   !
    La veille, en effet, « le train de la mort » venant de Compiègne, avait débarqué neuf cents cadavres en gare de Dachau.
    — Je salue mes confrères, ajoute-t-il. Ego etiam sacerdos (moi aussi je suis prêtre).
    Quel coup d’espoir pour moi et pour mes compagnons lorsque je leur dis   : « C’est un curé (212) . »
    Avant de passer au déshabillage total, à la désinfection brutale, au rasage complet, il faut se présenter devant une table où se tient un secrétaire. Le « schreiber » parle français   : lui aussi est un prêtre lorrain (abbé Lanique). Nous nous étions rencontrés avant la guerre, dans une colonie de vacances   : nouvelle joie pour moi.
    — Donnez-moi ce que vous voulez sauver des S.S.   : chapelet, médailles qui sont ici interdits.
    Je lui confie mon chapelet, une médaille à laquelle je tiens. Il agit de même avec mes camarades. Chacun a l’impression de sauver une partie de lui-même.
    Et c’est la première nuit au block de quarantaine   :
    Un entassement indescriptible de corps rompus. Je suis entouré de mes paroissiens.
    — Voulez-vous que nous priions, les amis, en pensant à ceux qui nous attendent chez nous   ? leur dis-je à voix basse.
    — Oh oui   ! Faites-le pour nous l’abbé   !
    Chacun se recueille, tandis qu’éclate un sanglot étouffé.
    — Dimanche   ! Chez nous, c’est l’heure de la messe   : on prie pour nous. Rejoignons-les par notre prière… Gardons toujours confiance. Nous sommes entre les mains du Seigneur…
    Les yeux brillent… quelques reniflements (on n’a pas de mouchoir)… Mais quel profond recueillement, quel accent de sincérité dans ces voix qui répondent à ma prière   ! Jamais je n’ai eu, « en paroisse » une telle communauté de cœur, sans respect humain… Des hommes   !
    Le soir, M gr  Daguzan m’aborde   :
    — L’abbé   ! Un

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