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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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une série de tapisseries et sentit soudain un objet pointu lui heurter l’épaule, une voix lui chuchota :
    — Ne vous retournez pas. Donnez-moi le recueil.
    La gorge nouée, Victor tenta d’avaler sa salive, ses lèvres s’entrouvrirent mais il n’en sortit pas un son. Les mâchoires crispées, il s’efforça de recouvrer son calme.
    — Je ne l’ai pas.
    La pointe s’enfonça un peu plus.
    — Très bien. Mains dans les poches. Demi-tour, en douceur, nous allons le chercher.
     
    Joseph escaladait avec vélocité les marches du grand escalier lorsqu’il aperçut Victor, une silhouette encapuchonnée collée à lui. Il se rabattit in extremis dans la salle Lavoisier. Puis il se glissa à la suite du duo. L’un aux trousses des deux premiers, ils longèrent des maquettes de bergeries, de pressoirs, de silos, se fourvoyèrent dans la galerie du sud, qui leur offrit le spectacle d’instruments aratoires variés, pour déboucher au centre d’une ancienne chapelle dont le chœur abritait un pendule Foucault. Joseph hésita. Devait-il se précipiter sur le fil et s’y suspendre afin de renverser l’homme armé ? Et s’il ratait sa cible ?
    Plus le temps de tergiverser. Le duo avait déjà enfilé un dédale de galeries consacrées à la métallurgie et à l’exploitation des mines. Joseph atteignit la salle de l’Écho où était exposé, outre une superbe collection de graphites et de néphrites des mines Albert, un modèle de paquebot à hélice, quand un vieillard lui barra le chemin.
    — Vous à droite, moi à gauche !
    De quoi se mêlait cet importun dont la force n’excédait sans doute pas celle d’un navet ? Joseph voulut l’écarter d’un revers de bras mais il se heurta à une résistance inattendue.
    — Imbécile, c’est moi ! gronda le vieillard, qui se redressa, les poings serrés, en position d’attaque.
    — Kenji !
    Victor profita de la confusion pour effectuer une volte. Mais son agresseur réagit sur-le-champ et lui décocha un coup de poignard. Une douleur cuisante lui mordit l’épaule. Il fit un bond de côté, plaqua sa paume sur la déchirure de sa veste. À la vue de sa main ensanglantée, il chancela, en proie à une immense lassitude. Il tenta de faire perdre l’équilibre à son agresseur, mais l’autre pivota et lui balança son soulier dans le jarret, il se sentit projeté en avant et s’écroula à terre, la joue sur le parquet. Il eut conscience d’une forme qui jaillissait à son côté et tendit les mains pour parer la lame dressée au-dessus de son torse.
    — Amadeus, j’aurai ta peau ! brailla Joseph, prêt à en découdre.
    Kenji fut plus rapide, il bondit, son poing décrivit un arc de cercle et frappa de plein fouet la poitrine de l’agresseur.
    Presque aussitôt un homme à catogan jaillit de l’arrière du paquebot à hélice. Une détonation claqua. L’agresseur s’écroula. Une voix saccadée s’échappa de ses lèvres :
    — Je vous croyais… je vous croyais… noyé…
    — L’erreur est toujours pressée, répondit doucement Amadeus.
    Il rengaina son pistolet, rabattit le capuchon qui dissimulait le visage de l’individu au poignard, des mèches de cheveux blonds s’en échappèrent. Joseph poussa une plainte étouffée.
    — Une femme !
    Il regarda Amadeus d’un air absent, il ne ressentait plus rien que l’impression d’une boule dans l’estomac.
    — Elle ? Mais pourquoi ?
    Victor s’était approché en flageolant.
    — Je l’ai déjà vue sur le quai, aux boîtes de votre parrain.
    Il se tourna vers Amadeus.
    — Elle est morte ? Vous l’avez tuée !
    — Vous auriez préféré y passer à sa place ?
    Victor ne pouvait sortir de la torpeur qui l’avait envahi. Il venait d’assister à un assassinat. Attenter à une vie était un acte si contraire à ses concepts de moralité qu’il était dégoûté de lui-même. La mort était pour lui une chose que l’on subit mais que l’on ne provoque pas, et pourtant cette femme avait volé la vie de cinq personnes et elle menaçait de s’en prendre à celle des siens.
    — Ce n’est ni le lieu ni le moment de vous apitoyer, enjoignit Amadeus. Vous, le blondinet, un coup de main.
    Ils traînèrent le corps à l’abri du paquebot à hélice.
    Des bruits de pas résonnèrent. Kenji ramassa le poignard et le dissimula sous sa veste.
    — Filons d’ici, marchez calmement, conseilla Amadeus. Monsieur Legris, avez-vous le

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