Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
Vom Netzwerk:
recueil ?
    — Non.
    — Apportez-le-moi demain sans faute à minuit, 24, rue des Archives, c’est extrêmement important. Quand je l’aurai récupéré, je vous livrerai le fin mot de l’histoire.
    Un fiacre en maraude devant le théâtre de la Gaîté les emporta. Amadeus avait disparu.
    — Enlevez votre veste, conseilla Kenji.
    Il constata que la blessure, bien que saignant abondamment, était superficielle, une estafilade. Il confectionna un bandage à l’aide de son écharpe de soie.
    — Quel accoutrement ridicule ! marmotta Victor. Vous ressemblez à Lagardère déguisé en bossu de la rue Quincampoix.
    — Très spirituel, j’apprécie l’analogie avec ma tare dorsale, dit Joseph.
    — Oh ! ça va, c’est une métaphore.
    — Mon accoutrement prête peut-être à rire, répliqua Kenji, mais il a été payant, vous vous êtes tous laissé berner. C’est une leçon pour ceux qui me considèrent comme un pépé.
    — Et le recueil ! s’écria Joseph.
    — Je ne m’en suis jamais défait, assura Victor. Déboutonnez ma chemise.
    Joseph obéit et trouva le vélin plaqué au tricot de son beau-frère.
    — Vous avez menti à Amadeus !
    Victor se redressa péniblement.
    — Parjure ! Inconscient ! Vous, vous avez déserté ! Vous aviez fait serment de protéger les nôtres ! Vous n’êtes pas digne de confiance !
    — La famille n’a jamais couru le moindre danger, j’avais pris mes dispositions.
    — Vous connaissant, j’avais également pris les miennes, grommela Kenji.
    — Comment étiez-vous au courant ?
    — Hier matin j’ai été le premier à lire cette lettre, à votre insu, aussi ai-je amélioré votre plan défensif. Vraiment, Victor, vous n’avez guère évolué, vous étiez déjà un enfant impulsif. Cette monographie aurait pu vous valoir la mort !
    — Elle contient probablement un terrible secret pour avoir entraîné tant de meurtres. Je suis heureux d’avoir réussi à la conserver.
    — Sans notre concours ni celui d’Amadeus, vous ne vous en seriez pas tiré !
    — Amadeus seul lui a sauvé la vie, lança Joseph avec acrimonie.
    — Reste à savoir ce qu’il a en tête, conclut Victor.
    Ses épaules tremblaient, mais son fardeau était en train de le quitter.
     
    Ce fut avec un intense soulagement que Raoul Pérot, gelé jusqu’à la moelle, aperçut le fiacre qui ralentissait rue de Seine devant le numéro 31. Embusqué depuis le matin sous le porche de l’immeuble opposé, il regrettait amèrement d’avoir accepté cette mission de surveillance. Mais impossible de résister aux supplications de Joseph. À sa grande surprise, il avait identifié ses ex-subalternes, Chavagnac et Gerbecourt, sur le trottoir d’en face. L’un, planté près de la boutique d’un emballeur, et l’autre, près de celle d’un raccommodeur de porcelaine, grelottaient, engoncés dans leurs pèlerines. Délaissant un instant son poste, il les avait interrogés sur leur présence en ce lieu et avait appris que, moyennant finance, M. Mori les avait embauchés.
    Joseph se rua vers eux. Raoul Pérot traversa, les jambes raides, les reins douloureux.
    — Monsieur Pérot, tout va bien ? Ah ! c’est chic d’être venu avec vos sbires.
    — Ce n’est pas moi qui…
    — Rien à signaler, dit Gerbecourt.
    — Non, rien, fit Chavagnac en écho, mais votre maman n’est guère commode, elle va vous étriller les oreilles. J’ai eu toutes les peines du monde à la convaincre de renoncer à partir à votre recherche, elle ne comprenait pas pourquoi vous étiez si long à acheter des gâteaux. C’est une forte femme.
    — C’est qu’elle m’aurait éborgné ! renchérit Gerbecourt.
    — Y a pas à tortiller, l’amour maternel, c’est beau, constata Chavagnac. Moi, je suis orphelin.
    — Et si nous allions boire un grog ? suggéra Raoul Pérot.
    — J’emmène Victor chez le Dr Reynaud. Joseph, invitez nos amis, décréta Kenji, penché à la portière du fiacre.
    — Chavagnac et Gerbecourt, c’était votre idée ?
    — Évidemment, grogna Kenji. Ils n’étaient pas de service, j’ai dû galoper à leurs domiciles.
    — Merci.
    — Merci de quoi ? D’avoir assisté ma fille, ma belle-fille, mes petits-enfants et leur grand-mère ? J’ai plus de discernement que vous n’avez d’audace. Trois mousquetaires valent mieux qu’un planton.
    Réfugié au fond du café, près du poêle, Raoul Pérot se réchauffait les mains sur son verre

Weitere Kostenlose Bücher