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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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L’auteur de ces menaces avait déjà tué, il n’hésiterait pas à s’en prendre à l’un des siens. Dans quel guêpier ces deux idiots s’étaient-ils fourrés ? Bien qu’il sût qu’ils enquêtaient, il avait cru qu’ils ne s’impliqueraient que de loin. C’était sous-estimer leur témérité.
    La fureur s’empara de Victor, il balaya d’un revers de main une pile de brochés, balança un coup de pied contre une chaise qui lui barrait l’accès à l’arrière-boutique.
    — Où allez-vous ?
    — Je vais faire son affaire à Amadeus.
    Il tira sa bicyclette et faillit s’étaler.
    — Vous avez son adresse ?
    L’engin chut sur le plancher. Tête basse, les jambes en coton, Victor secoua la tête.
    — Non.
    — Même si vous l’aviez, vous croyez qu’il nous servirait gentiment le thé chez lui ? Il faut prévenir la police, souffla Joseph.
    Il savait que ses mains tremblaient. Il feuilleta machinalement un registre posé sur le comptoir pour chasser la panique qui le submergeait.
    — Relisez la lettre, nom d’un chien ! L’un de nous doit y aller en personne ! Kenji est hors jeu, reste votre mère, vous et moi.
    — Ma mère ! Vous êtes fou ! Pas question.
    — Cela tombe sous le sens, je vais personnellement régler son compte à ce salaud.
    — Et moi ? À la niche ?
    L’exaspération perçait dans la voix de Joseph, masquant la peur et la fureur.
    — Et puis, qui vous dit que le coupable est Amadeus ? reprit-il. Ce peut être le cordonnier ou l’élagueur !
    — Vous n’avez pas deux sous de jugeote ! À l’heure où Chantal Darson était assassinée, chacun d’eux était en notre compagnie.
    — Et s’il s’agissait d’un comparse dont nous méconnaissons l’identité ?
    — Je reconnaîtrai ce fumier entre mille.
    — Comment ?
    — À la pointure de ses souliers. Il doit chausser du quarante ou du quarante et un. Il a semé des empreintes de semelles chez Mme Lacarelle. L’élagueur pourrait enfiler des bottes de sept lieues, ses pieds sont aussi grands que ceux de Pérot, quant au cordonnier il doit faire un trente-huit fillette ! Nous allons appliquer à la lettre les directives de cet assassin. Ce soir, vous téléphonerez à Tasha, inventez un prétexte pour qu’elle emmène Alice rue de Seine. Je ne sais pas, moi… Organisez une réunion familiale avec Iris, vos enfants et votre mère. Interdiction de sortir. Vous vous bouclerez avec elles dans l’appartement, compris ? Brodez, vous êtes romancier, non ? Donnez-moi le recueil.
    — Il est en bas, je vais le chercher, mais… Tout de même, il serait de bon aloi de prévenir la police.
    — Je ne veux courir aucun risque.
    — S’il vous arrivait un mauvais coup, je ne me le pardonnerais pas. Je vous accompagne, je garderai mes distances.
    — Vous êtes bouché ! Si je ne peux empêcher une chose terrible de se produire, je ne pourrai plus vivre et vous non plus, alors faites ce que je vous dis. Cette ordure ignore jusqu’où peut aller un homme en colère !
    Joseph recula. Jamais il n’avait vu Victor dans un tel état de rage froide, c’était une facette de lui qu’il découvrait. Son esprit travaillait à toute vitesse. Il hocha la tête et descendit les marches qui menaient au sous-sol, il refusait de céder aussi facilement.
    Avec précaution, Kenji regagna son appartement.
     
    Dimanche 30 janvier
     
    Victor s’était égaré. Son cœur s’emballa. Il redoutait ce rendez-vous. L’assassin n’allait pas l’aborder poliment et le prier de lui remettre le recueil. Et s’il avait envoyé un complice pour effectuer la transaction ?
    Le musée était quasi désert. Un couple de bourgeois, un vieillard, un gardien manchot. Qui aurait l’idée saugrenue de visiter le temple de la science à dix heures du matin ? Il traversa une galerie affectée aux matières premières et aux machines réservées à la préparation des textiles et atteignit les métiers à tisser. Il tourna autour de celui de Vaucanson qui avait inspiré à Jacquard son modèle avec cartons.
    « L’étoffe dont sont tissés nos songes 1  », se récitait-il en lui-même, impatient de savoir si l’unique visiteur, un vieillard courbé coiffé d’un melon trop large, était celui qui exerçait cet odieux chantage à son encontre. Ce dernier s’arracha à la contemplation d’échantillons de dentelles et clopina vers la sortie. Victor demeura seul. Il se planta face au passage menant à

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