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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tout, tu m’es indispensable.
    – Tu es ma vie.
    Maguelonne dénoua leur étreinte. Elle s’approcha de la simple croix de bois suspendue au-dessus de la porte, se signa et s’agenouilla, le regard fixé sur elle.
    Tristan hésita tout en se demandant si ce qu’il allait faire aurait une incidence bienfaisante sur la santé, voire la protection de leur fils.
    Il s’agenouilla près de son épouse et des mots très anciens effleurèrent ses lèvres :
    –  Pater noster, qui es in cœlis… Sanctificetur nomen tuum… adveniat…
    Il sentit tout à coup ses paupières humides et ses voix intérieures, ses frayeurs, ses desseins s’évanouirent pour clarifier son esprit tout entier tourné vers son Créateur. Maguelonne, qui l’observait, dit alors tout haut pour eux deux :
    –  Sed libéra nos a malo (421) .
    Il vit des larmes rouler sur ses mains blêmes, nues, un peu rêches, s’en saisit et les baisa longtemps avec une ferveur qui était aussi un acte d’amour.
    *
    Fut-ce la conséquence de leur commune prière ? Le mal dont Hélie souffrait connut une rémission. L’enfant grandit, forcit, recouvra ses couleurs et sa joie de vivre. L’anxiété de Tristan s’altéra ; il reprit goût à l’existence. Maguelonne également qu’il entendait parfois chantonner.
    Comme il confiait ses craintes d’une récidive plus cruelle que la précédente à Lemosquet venu lui présenter son fils, Tristan, deux mois, en compagnie d’Antonia, l’ancien soudoyer l’adjura de visiter le prêtre qui baptiserait leur enfant.
    – C’est un saint homme ! Il guérit, dit-on, par l’attouchement des mains.
    – Les guérisseurs, Yvain, déplacent le mal ; ils ne peuvent l’expulser d’un corps dolent. Quand ton Tristan recevra-t-il le saint sel et l’eau bénite ?
    – C’est à vous de décider, messire, puisque vous serez son parrain et Maguelonne sa marraine… Il est ondoyé. Nous pouvons donc attendre quelques jours, voire quelques semaines.
    – Je te sais bon gré de nous avoir choisis. Maguelonne verra tout cela avec ton épouse. Je me soumettrai à leur décision… Mais parle-moi de ce presbytérien. Qui est-ce ?
    – Un religieux de Saint-Polycarpe d’où Antonia est native. Je crois même que c’est un parent lointain.
    – Son nom ?
    – Hervieu de Cubières.
    Une scène traversa l’esprit morose de Tristan : Hélie adossé au bois de son lit, pâle, avide d’air pur, épouvanté par l’idée de la mort, et lui, impuissant et desbareté malade d’horreur à l’idée de le perdre.
    – Qui t’a dit que mon fils souffrait des poumons ?
    La question fit sourire Lemosquet. Son visage qui s’arrondissait mais dont les yeux bleus, droits, restaient les mêmes, se fripa de quelques rides de bonne humeur :
    – Robert et Girard quand ils viennent à Limoux et parfois Alazaïs et Sibille. Ils aiment autant Hélie que leurs enfants.
    Il se pouvait que ce fût vrai. Tristan, pour contraindre son émotion, s’obstina dans une gravité muette qui précéda ce témoignage :
    – Je vous aime bien tous.
    Il sourit de cet aveu car chez lui, parfois, la moquerie envers lui-même était l’arme que la nature lui offrait pour combattre et dominer ses émois et certains de ses mésaises.
    – On est comme une famille, depuis le temps… murmura Lemosquet sans crainte d’être contredit.
    Et comme ils marchaient lentement vers le donjon sur le seuil duquel Hélie, Maguelonne, Paindorge et Antonia, son enfançon dans les bras, les observaient avec, dans le regard, une sorte d’inquiétude, Tristan s’immobilisa et retint son ancien soudoyer par l’épaule :
    – Nous sommes le 31 mai. Demain vendredi, Maguelonne et moi irons voir ton saint homme. Au retour de Saint-Polycarpe, nous te dirons quel jour nous avons choisi. Sais-tu que c’est une étrangeté : je crois plus aux conseils que me dispensera ton clerc qu’à l’efficace dont ses mains sont soi-disant chargées !
    *
    Passé l’étonnement d’une visite inopinée, Hervieu de Cubières se défendit d’exercer la médecine et d’accomplir des actes salutaires sur de rares malades venus quérir son secours.
    – La prière seule, messire Castelreng, guérira votre fils auquel je trouve bonne mine. Il ne me paraît pas menacé. Il lui faut déployer sa confiance en Dieu ainsi que sa confiance en lui-même. Il vous faut prier avec lui.
    – C’est ce que nous faisons, mon père, dit Maguelonne.
    Sa pâleur convenait

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