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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aux poignets, il lui fit accomplir de larges mouvements des bras pour aider ses poumons à recouvrer une respiration régulière.
    Il enrageait contre le mauvais sort et ne savait comment se guérir, lui, de l’ulcère qui rongeait son cœur avec une hargne qu’il n’avait jamais encore éprouvée. Ni Hélie ni lui-même ne méritaient d’être atteints par des frayeurs pareilles. Ils devaient repousser le mal, se rebeller contre l’injustice, allier leurs volontés, leurs énergies ô combien différentes, et repousser la calamité qui s’accrochait à eux comme un châtiment terrible autant qu’immérité.
    « Ni Aliénor ni Olivier ne peuvent se venger ainsi de nous !… Je ne les ai pas occis. C’est Dieu qui l’a voulu. Je n’ai eu l’intention que de les chasser de Castelreng et Il le sait !… Comment, maintenant, pourrais-je croire en Sa miséricorde ? »
    Bien que pâle et crispé, le visage d’Hélie ne perdait rien de sa beauté. La force de son caractère s’y reflétait toujours. Ses cheveux se poissaient sur son front et ses lèvres exsangues s’avançaient comme pour boire cet air qui semblait se refuser à ses narines.
    – Respire ! Respire !
    Tristan dénoua le col de la chemise en se maudissant de n’avoir pas accompli ce geste-là plus tôt.
    – Respire ! Respire !… Vas-tu mieux ?
    L’enfant n’osa répondre affirmativement.
    – N’aie crainte. Nous sommes deux… Nous repousserons ton mal. Sois-en sûr ! Tu subis une épreuve… Nous subissons une épreuve. Nous en sortirons vainqueurs. Il le faut !
    Tristan ne savait rien de ce qui l’entourait. Il n’était hanté que d’une passion : sauver Hélie ! Vaincre cet étouffement !
    – Un deux ! Un deux !
    Leurs bras allaient et venaient lentement et parfois, le souffle de l’enfant redevenait régulier pour se briser et le livrer à une suffocation longue, longue, exaspérante.
    – Guéris !… Il te faut guérir !
    Leurs haleines désaccordées emplissaient la chambre. Leurs amertumes se pénétraient et leurs cœurs qui n’avaient jamais été si proches mêlaient leurs battements, les uns puissants, réguliers, les autres faibles, désespérément.
    – Courage ! Il te faut dominer ce mal comme un ennemi qui voudrait ta mort ! Sois bachelereux 259 et il s’enfuira.
    Balivernes, sans doute, mais que dire d’autre ? Tristan parlait moins pour Hélie que pour dominer l’effroi de cette mort dont ni Maguelonne ni lui-même n’eussent pu se remettre. Il trouvait indigne de son caractère d’évoquer l’éventualité d’un trépas, mais se sentait contraint de le redouter et d’en imaginer les effets dévastateurs sur son épouse. En se félicitant qu’elle fût allée aux champs avec Sibille et la chienne Lérida, il craignait qu’elle ne survînt tout à coup et ne les vît, Hélie et lui, aux prises avec la géhenne.
    Il mouvait toujours les bras de son enfant. Lentement, lentement, cherchant sur les lèvres décloses un renouveau de respiration qui tardait à venir. Il avait peur. Davantage que lorsqu’il exposait sa vie aux traits et tranchants adverses. Eux, au moins, il les flairait, il les voyait. Il pouvait deviner leur provenance et se protéger de leur perniciosité. Ici, tout était malice. Il sentait Hélie plus près de mourir que de vivre. Parfois, une vision surgissait dans sa tête et il voyait son fils immobile entre quatre planches. Non ! Non ! L’impitoyable isolement où il se trouvait lui faisait désirer, de loin en loin, la présence de Maguelonne avant qu’il ne se dît qu’elle se serait affolée et que cette lutte contre l’étouffement était une affaire d’hommes.
    – Guéris, mon gars ! Il faut que tu guérisses !
    Une ardeur émouvante le subjuguait : il vaincrait !
    Ils vaincraient !
    – Respire ! Respire ! Guide, je t’en supplie, ton souffle sur le mien !
    La fureur, le chagrin, l’épouvante se disputaient le cœur de Tristan. Il advenait aussi que le souffle lui manquât et qu’un mot, un seul mot s’étranglât dans sa gorge. Parfois, sa confiance tombait en charpie. Il n’osait trop dévisager Hélie pour ne point voir, sur son visage, de redoutables flétrissures.
    « Il pâlit… Il va dévier (420) . Non ! Non !… Je ne verrai jamais un dévouloir de vivre sur sa figure ! »
    Une lame de couteau, d’une seule poussée brûlante, perçait son cœur. Ses mains serraient toujours les poignets de son fils. L’air

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