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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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était lourd, saturé d’une oppression funeste.
    « Non ! Il vivra !… Il te faut vivre ! »
    À sa fébrilité, l’inertie de son fils opposait la plus lugubre résistance et son aspect figé commençait à lui inspirer une sorte de colère :
    – Je ne puis rien seul. Il faut que tu m’aides !
    Une rage le secoua :
    – Merdaille ! Merdaille ! Qu’avons-nous fait pour encourir cette injustice ?
    Il le savait : les déprécations seraient inutiles. Dieu était à nouveau trop loin de lui. Il s’écria pourtant :
    – Un signe ! Un signe, Seigneur !… Ni mon gars ni moi-même n’avons démérité !
    Il souffrait aussi des coudes et des épaules. Il luttait de son mieux contre ces infirmités dont ses bras peu à peu se plombaient. Non ! La mort n’allait pas toucher son fils dans sa fleur ! Hélie allait guérir. Il perpétuerait l’espèce. Son souffle qui se consumait renaîtrait. La cendre éparse en ses poumons disparaîtrait sous une poussée d’air frais.
    – Vis… Bats-toi… Bats-toi comme un prud’homme !
    Il cherchait vainement dans les yeux de son enfant quelques lueurs de soulagement, et sur ses lèvres à peine roses l’imperceptible indice qui le démettrait de ses frayeurs.
    – Il me semble, dit-il, que nous ramons ensemble… Guéris !… Mes bras commencent à me faire mal !
    Leurs vies n’avaient jamais été si proches, si parfaitement assemblées ; cependant, le péril sans remède continuait de les séparer.
    Ce fut une matinée longue, interminable et terrible. Ils la traversèrent avec le même courage, la même angoisse, la même foi furibonde. À certains moments, Hélie reprenait haleine, à d’autres son souffle s’épuisait. Les couleurs effacées revenaient sur ses joues, son front, ses oreilles, puis il aratelait encore ; ses lèvres cherchaient un air vivifiant, son cœur battait irrégulièrement et les râles que Tristan abominait emplissaient désespérément la chambre. Parfois, suspendant ses mouvements réparateurs – ou présumés tels – Tristan touchait le front d’Hélie. Il était chaud mais nullement brûlant. Il allait guérir ! Il le fallait !
    Lorsque, vers midi, la crise fut achevée, Maguelonne entra dans la chambre.
    – Robert m’a prévenue que…
    Elle n’en dit pas davantage. À quoi bon.
    – Il dort. Il était temps, dit Tristan, les épaules, les bras et les reins rompus.
    Ils contemplèrent leur fils, les mains à plat sur sa poitrine, comme pour en apaiser les douleurs, les paupières fermées, la bouche déclose. Son visage était paisible. Les maudits spasmes, le désespoir, la crainte de succomber à un étouffement pire que les autres avaient quitté cette figure que la blancheur de l’oreiller rendait presque angélique. Son haleine régulière faisait presque douter qu’elle eût été si horriblement oppressée.
    Lérida sauta sur le lit.
    – Laissons-la, dit Tristan. Sa présence le rassure, même s’il dort… Ah ! M’amie, ces choses-là, il faut les vivre. On ne peut imaginer…
    – Si, j’imagine, murmura Maguelonne.
    Tristan la sentit se serrer contre lui. Il eut ses cheveux contre sa bouche, son désespoir contre le sien.
    – Je veux qu’il guérisse !
    – Je ne l’ai que souhaité.
    Maguelonne contemplait Hélie. Il y avait dans son adoration comme un culte profond rendu à une divinité livrée aux menaces de toutes sortes ; un amour complet, patient, absolu – éternel.
    – Je préférerais le perdre à la guerre que de le perdre ainsi.
    – De quelque façon qu’il nous quitte, j’en mourrai.
    Peu importait leur amour commun rétréci au fil des jours et désormais médiocre. Ils aimaient leur fils pareillement et cela seul comptait. Cette conviction affermissait le respect qu’ils conservaient intact l’un pour l’autre. À l’ivresse débordante de leurs primes amours, puis au mésaise qui les prenaient, maintenant, dès l’ébauche d’un geste tendre, succédait, dans et par leur commune affection pour Hélie, une sorte de bien-être.
    – Tu as éprouvé, ce matin, ce que j’ai ressenti moult fois.
    Tristan crut bon et réconfortant d’avouer :
    – J’ai souhaité ton retour… Lorsque cette maudite chose l’a pris, j’ai été heureux de ton absence… Oui… Je crois… Non… Je suis sûr que nous nous serions querellés sur la façon de le soulager… de le guérir… Puis j’ai voulu que tu reviennes… J’ai compris qu’en dépit de…

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