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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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assurance qu’on eût pu croire qu’ils revenaient de la bataille alors qu’il leur faudrait y aller. Tristan fut certain qu’au siège de Tolède, ils avaient brillé par l’éclat de leur habit de fer plutôt que par leur courage.
    – Pour leur complaire, chuchota Paindorge, faut point les traiter en prud’hommes. Faut les amignarder.
    – Tu dis juste, Robert.
    Si bas qu’ils eussent échangé leurs propos, Thibaut de Pavie, qu’ils n’avaient guère vu aux conseils, les entendit et approuva d’un clin d’œil.
    – Ils voudraient vaincre seuls, dit Galiffer de Jumelle.
    – Nous devrions les laisser s’entre-déchirer, dit Cabus, au lieu de leur rentrer dans le chou !
    Les Castillans leur lançaient des regards de chiens hargneux. Oui, ils eussent voulu être seuls à vaincre Pèdre, mais ils s’en savaient incapables. C’était leur vergogne refoulée qui donnait à chacun cet air conquérant. Tristan sentit, en cette occasion, combien les Français étaient détestés, même par leurs alliés. Ils avaient, à Nâjera, failli à leur réputation ; il se pouvait qu’ils faillissent encore.
    – Quand nous serons dans la presse, dit Kerlouet, ils nous laisseront accomplir tout l’ouvrage… Nous allons payer cher une amitié qui ne s’abreuve que de sang !
    « Il est moins sot que je le croyais », songea Tristan.
    Innocent de Launoy toussota, moins parce qu’il était enrhumé que parce qu’il voulait dire son mot :
    – Dans les temps où nous sommes, compagnons, et puisque nous n’aurons qu’un conduiseur – Bertrand -, disons-nous qu’un chef doit donner l’exemple de sa bonne volonté la plus absolue et faire abnégation de lui-même.
    Tristan sourit. Guesclin n’était point pourvu, mais alors point du tout, en abnégantisme. Il ferait en sorte qu’on le vît afin d’être entouré et de frapper fort. « La journée n’est pas mienne », dirait-il s’il était pris. Le roi Charles acquitterait sa rançon. Pour lui, tout était simple.
    – Venez, dit Henri. Nous vous attendions.
    Tous avancèrent en silence, tandis que, derrière eux, l’armée se déployait comme pour cerner les Castillans. Le soleil parut se faire plus vif, plus lumineux. Les armures, haubergeons, les épées que certains affûtaient sur le seuil de leur tente, les armes d’hast aux hampes enfoncées dans des râteliers de bois ou de fer se mirent à miroiter comme des objets d’une richesse infinie. Les voyant ainsi, Tristan se sentit presque apaisé : ils dégageaient un charme fort ; ils ne demandaient, eût-on dit, qu’à être empoignés pour vaincre. Il fut pris du désir de dormir, dormir longtemps afin d’éliminer sa fatigue et se guérir de tout ce que son sang charriait d’amertume.
    Il n’avait présentement qu’une ressource à sa mélancolie : attendre et vivre le plus simplement possible en imaginant de prochains adoucissements. Maguelonne, seule, pouvait et pourrait les lui prodiguer.
    – Regardez ! s’écria Paindorge. Eux, au moins, ils ont retrouvé quelqu’un !
    La plupart des venants avaient mis pied à terre pour avancer sur le même plan que les allants du Bègue de Villaines qui accouraient pour les congratuler et les étreindre. Alain et Henri de Mauny baisèrent leur frère Olivier sur les joues ; Jacques de Pénéodic tapait ardemment sur l’épaule de Thibaut du Pont ; Yvon Duant et le bourc Camus échangeaient une poignée de main. Tristan reconnut Yvon et Sevestre Budes, Auffroy de Guébriant, hilare ; Alain de la Houssaye tenant son ains-né Eustache par le cou ; Innocent de Launoy cherchant un visage connu ; Jean Kerlouet en quête d’un Breton et Guillaume Boistel se hâtant vers Guesclin et trouvant son élan contrarié par Batillier, Amanieu d’Ortige et Perrot de Savoie désireux d’apprendre, sans doute, où en était le siège de Tolède (380) .
    – On se croirait à la foire du lendit, commenta Paindorge. Tous frères aimants.
    – Certains qui s’étreignent jusqu’à s’étouffer s’abominaient à Paris.
    Soudain la cohue et la rumeur cessèrent. Précédés par des clercs armés de hautes crosses processionnelles, des Castillans vêtus en bourgeois s’approchaient, porteurs de bannières afin, sans doute, de remémorer à Guesclin qu’il ne bataillerait point pour des lis.
    –  Vexilla régis prodeunt, dit lentement Tristan. Cela signifie, Robert : les étendards du roi s’avancent… Pas un lis… Ces lions et ces

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