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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ternie d’aimer devenait, par l’ennui de l’éloignement, une affection pure.
    – Tu te joues de moi… Il se peut qu’un jour le Ciel me vienne en aide.
    Le bruissement des pas, les tintements des armes, les hennissements des chevaux, les martellements autour de la baliste qu’on démontait emplissaient ses oreilles. Bien qu’il fût d’humeur exécrable, Tristan se donna le ton de la gaieté en révélant :
    – Il est dommage qu’il n’existe rien au-dessus du verbe haïr.
    –  En vérité !… Tiens-toi à carreau, Sang-Bouillant : ta vacelle 343 est trop jeune pour devenir veuve… et ton fils, qui doit être malade puisque tu es venu au Puy, serait bien marri de te perdre.
    – Laisse-les où ils sont !
    – Malade… Il a l’âge du fils du roi… Lui aussi, il est malade… Or, ce n’est pas le corps. C’est la tête… Il voit le diable partout.
    – Quand tu es à Paris ?
    Guesclin laissa passer le trait empoisonné. Puis il rit à toute gorge :
    – On dit : «  Voilà un beau diable  »… C’est pourquoi je te regracie du compliment.
    Il s’éloigna. Paindorge qui n’avait pas bronché demanda :
    – Vous y croyez à ce qu’il prétend du fils du roi ?
    – Quand deux grands malades s’accouplent, l’enfant qui naît de ce mélange d’humeurs noires ne peut-être bien portant (438) . Après avoir eu des rois terribles, la France va devoir endurer des rois égrotants. Nous connaissons le cinquième… Le sixième sera certainement plus maladieux que son père… Pourquoi ? Dieu seul le sait.
    Paindorge semblait ne pouvoir faire un mouvement.
    « Un fils débile », devait-il songer. Pour lui, la royauté devait être pure, honnête, loyale, équitable. Ce qu’il venait d’entendre la rapetissait aux dimensions d’une famille quelconque. Et encore : la plupart de ces familles-là étaient saines. Elles ne souffraient que du manque d’argent.
    – Et on pourrait mourir pour ça ?
    Tristan acquiesça. Son écuyer, pour la première fois sans doute, ne se posait point en victime d’un Breton, mais de la royauté tout entière : passée, présente et à venir. Pour lui, après qu’il eut compris que le grand amour de sa jeunesse, la belle Edmonde, le méprisait, l’armée – ou la guerre – avait été son refuge. Il n’en demandait pas davantage. Or, il était marié. Alazaïs le rendait mélancolieux. Il la voulait pourtant revoir. Sa bonne volonté, il la vouait à elle, pas à la guerre. Sa compagnie, c’était elle et leurs fils et pas les fils de putes qui le circonvenaient. Il demanda presque humblement :
    – Qu’est-ce qu’on va faire ?
    – Que veux-tu que nous fassions ?… Suivre Bertrand… Le compagner jusqu’à sa mort qui sera prompte, je crois… As-tu vu comme il a le teint jaune ?
    – Le teint de l’or…
    – Sans doute, mais l’or ne procure pas la santé.
    Paindorge eut un soupir de résignation empreint de lassitude :
    – Moi qui croyais…
    – Revoir les tiens ?… Et moi donc ! soupira Tristan.
    Jamais Hélie et Maguelonne ne lui avaient paru aussi lointains. Que faisaient-ils ? Songeaient-ils à repartir seuls pour Castelreng ? C’eût été de la folie.
    De ses mains, il rejeta ce double souvenir comme il eût écarté des mouches nombreuses et audacieuses.
    *
    En deux jours, après avoir péniblement piété sur des chemins de rocaille, l’armée, lente, étirée, exténuée, parvint devant Château-Neuf-de-Randon (439) .
    On était le dimanche 1 er juillet. La chaleur forte et comme furibonde semblait inextinguible. En découvrant haut devant eux la forteresse à conquérir, les hommes essoufflés par une longue montée eurent un moment la respiration coupée.
    – Plus pénible que Chaliers dit Paindorge.
    – En effet… Et il nous faut conquester cela ! lui lança Quéguiner au passage.
    Bâtie sur un escarpement de la Margeride, dominant de plus de cinquante toises, à l’ouest, le lugubre vallon de la Boutaresse, la forme du château était celle d’un losange que dominait un donjon puissant au sommet duquel ventilait une bannière : d’or à trois corneilles de sable becquées et membrées de gueules posées deux et un. Paindorge grommela que malgré leur supériorité en nombre et en altitude, l’aigle bretonne viendrait à bout de ces oiseaux-là.
    – Qui sait ? murmura Tristan.
    Sans que les efforts fournis pour atteindre la citadelle en fussent cause, il se sentait les membres

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