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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et répulsive.
    Tristan ressentit le besoin de s’isoler. Un besoin bien défini de pousser des soupirs et de maugréer à son aise. Il ne le pouvait. Il se savait observé avec une attention compassée. Cela l’irritait et pourtant il était reconnaissant à Paindorge d’avoir extirpé de son esprit la tumeur qui le pourrissait. Une envie folle, soudain, l’envahit.
    Revoir Maguelonne, lui parler. Revoir Castelreng et se venger de deux carognes. Reconstruire une vie à défaut d’un amour.
    – Nous sommes à plaindre, Robert.
    – Je le crois.
    – Nous allons faire nos adieux, seller nos chevaux et revenir au Puy.
    Tristan tapota Teresa. Une fois encore, touchant le pommeau de l’épée, l’idée lui vint de faire usage de la poudre qu’il contenait. Mais comment ? De plus, il sentait Guesclin malade – irrévocablement. S’il n’était pas dans sa nature de renoncer aux échelades, à Chaliers, il n’avait cessé d’atermoyer. Devant la porte où, parmi des corps amoncelés, gisait un bélier inutile, il s’était trouvé une contenance en proférant des jurons à l’intention des assiégés. Cette enragerie hérissée de promesses de mort n’avait point désarmé les hommes qui ricanaient en haut des murailles, de sorte que sa jactance s’était trouvée plus exposée aux injures que son corps aux traits ennemis. Si Berry disait de lui : « Il gagne à être connu  », Sancerre dont le neveu était mort pour rien, lors d’un acte plus sot qu’héroïque, pensait qu’il y perdait, au contraire.
    Comme le Breton passait à proximité, Tristan l’interpella :
    – Tu as eu ce que tu voulais. Que vas-tu faire ?
    Il n’avait pas cru nécessaire d’ajouter : «  de nous ». Il espérait une réponse ferme. L’adresse qu’il faisait au connétable et l’attente de sa décision ressemblaient à un combat héroïque – en tout cas poignant – avec alternance de succès et de revers. Le sentiment d’aversion qu’il devina chez son adversaire fiât perceptible à son attitude plus nonchalante, à des cillements de paupières. Il devina qu’il allait subir une déception avant même que les mots la lui eussent certifiée.
    – Tu viens avec nous.
    – Où ?
    – À Châtel-Neuf-de-Randon.
    Tristan voulut s’indigner. Le Breton le saisit par le col de son surcot et, le poussant en arrière :
    – Tu viens !… Je vous restituerai vos armures de fer à Paindorge et à toi. Galard est là-bas : Badefol me l’a dit. Ce n’est pas loin : trois lieues de Mende et quatre du Puy. Je conquerrai ce château. J’en ai moult envie parce que ce sera sans doute le dernier. Si le siège dure, tu partiras…
    Après cet aveu qui révélait une lassitude inexpliquée, la promesse de séparation manquait de fermeté. Tristan serra les poings :
    – Comment voudrais-tu que je croie tes paroles ? Tu m’as toujours menti et toujours détesté. Tu n’as jamais rien fait d’autre que me préjudicier. Tu me veux auprès de toi pour jouir de mon trépas s’il m’advient de recevoir un carreau ou une sagette dans la poitrine et – pourquoi pas ? – dans le dos.
    Les traits du Breton, émaciés par la fatigue et les insomnies, blêmirent. Sa voix devint rauque et profonde :
    – Sache-le : j’en ai assez de la guerre… Tu es mon reproche vivant… mon remords.
    – Holà ! s’écria Tristan. Avoir du remords, toi ?
    Il s’indignait tout en craignant d’avoir à passer sous de nouvelles fourches caudines et trouvait moins d’amertume à déplaire une fois de plus à Guesclin, par colère et ressentiment, qu’à être considéré comme une sorte de confesseur d’occasion.
    – Conserve tes propos dans le froid de ton cœur. Je suis certain que ton goût des batailles est inchangé… Quant à moi, j’aurais dû partir sans rien te demander.
    Les pupilles des yeux presque incolores foncèrent et se dilatèrent. L’expression de la pensée fut lente – à dessein – et la voix se fit alerte et moqueuse :
    – Si vous étiez partis, toi et Paindorge, vous seriez tombés sans jamais vous relever.
    – On nous surveille ?
    – Hé ! Hé !
    Toute la vie de Tristan parut s’être arrêtée comme si, effectivement, une sagette ou un carreau y eût mis un terme. Décidément, il fallait qu’il exécutât cet homme pour qu’elle reprît son cours et son aspect là où il l’avait quittée : au Puy où l’espéraient Hélie et Maguelonne. Une vie où l’ardeur

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