Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
yeux un Castelreng imaginaire dont les murs brumeux semblaient infuser entre deux vallons accablés, eux aussi, par les brasiers du ciel.
    Quand Chateauneuf-de-Randon serait conquis, il reviendrait en Langue d’Oc en compagnie de son fils et de son épouse. Si Hélie était guéri, la vie y serait aisée. S’il ne l’était pas… eh bien, tous trois feraient en sorte de résister au mal !
    Un soir qu’il s’assoupissait, il fut incommodé par des chants issus du pavillon de Guesclin. Les Grands soupaient. Ils voulaient que leurs voix fussent entendues par les hommes de guet au château.
    – Dormez-vous ? demanda Paindorge.
    Il ne répondit pas, se tourna sur le flanc et, gêné par son épée, détacha sa ceinture d’armes. La nuit, il lui sembla qu’on touchait à Teresa. Lorsqu’il ouvrit un œil, son épée n’avait pas bougé. Paindorge n’était plus là. Une voix, celle du connétable, fendit la nuit avec force :
    – Holà, Quéguiner !… Ce vin est chaud. Va m’emplir ce gobelet à la fontaine.
    Le lendemain, le Breton n’apparut pas.
    – Il cuve son vin, dit Paindorge.
    Sancerre qui passait annonça simplement :
    – Il est récréant… Il a la diarrie (442) .
    Il ne faisait aucun doute que la subordination à laquelle il était tenu ainsi que les princes, n’avait cessé de constituer pour cet homme une humiliation. Guesclin commandait, il lui obéissait à contrecœur. Cette journée du samedi 7 juillet allait lui sembler meilleure que les précédentes. En même temps que l’indisposition du connétable était connue de tous, le bruit courut qu’un capitaine anglais était venu le voir dans la nuit pour lui confier qu’il se rendrait si les secours dont il espérait la venue n’apparaissaient pas.
    – Il a bu de l’eau trop froide, dit Olivier de Mauny.
    Vers midi, le Breton fit venir à son chevet le maréchal de Sancerre, son cousin Mauny, le duc de Berry soudain présent et toute la Chevalerie. Tristan le trouva très pâle. Il haletait et transpirait abondamment. Quéguiner ne cessait d’éponger d’un linge qui semblait une chemise mise en boule son front, ses joues, son cou.
    – Seigneurs, dit le Breton, la mort qui est commune à tous me fera brièvement quitter votre compagnie.
    Nul ne protesta ni ne s’indigna. Les quelque quinze hommes rassemblés autour du lit savaient-ils que le connétable était inexorablement atteint ou bien refusaient-ils toute compassion à ce gisant qui n’avait cessé de les dominer ?
    – La fortune m’a tenu en haut honneur, dit le Breton comme pour répondre à leur attente. En haut honneur par votre vaillance et non par la mienne.
    – Oh ! s’exclama Sancerre.
    « L’hypocrite ! » s’indigna Tristan cependant que le Breton poursuivait :
    – L’honneur en est dû à vous et rien à moi qui vous recommande mon âme. J’avais intention de finir brièvement les guerres de France et de remettre tout le royaume en l’obéissance du roi Charles, par votre vaillance, mais je ne puis vous tenir compagnie d’or en avant. Je requiers Dieu qu’il vous donne toujours loyal courage envers le roi qui par vous mettra fin à ses guerres. Nequedent (443) je vous veux requérir d’une chose : si elle se pouvait faire, ma vie finirait en grand repos. Aujourd’hui est la journée où les Anglais doivent rendre leur châtel s’ils ne sont secourus : je désire fort en mon cœur que ces Anglais le rendent avant ma mort.
    Il y eut encore un silence. Olivier de Mauny pleurait. Il était le seul.
    – Hélas ! dit-il, perdons-nous notre bon père et bon capitaine !… Notre pasteur qui tant doucement nous nourrissait et tant sûrement nous conduisait ! Si nous avons biens et honneurs, c’est par lui !… Ô honneur et chevalerie ! Vous perdrez tant quand celui-ci finira.
    « L’honneur d’occire avant celui de gagner des batailles », songea Tristan, le cœur sec. « Quant aux biens auxquels tu fais allusion, malandrin, ce sont ceux qui résultent des pillages ! »
    Il sortit. Paindorge le rejoignit :
    – Il est mal ?
    – Moult… Il dit qu’il va mourir.
    La journée se passa sans que les Anglais eussent vu paraître l’armée dont ils espéraient la venue.
    Le lendemain matin, le maréchal de Sancerre s’en alla seul, à cheval, devant la porte du château pour solliciter un entretien avec le capitaine ou messire Pierre de Galard. Le capitaine apparut entre deux merlons de la petite courtine qui
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher