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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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mous et le souffle court. Incapable de puiser dans son cerveau un stimulant quelconque, il ne put que se demander :
    « Qu’est-ce que je fais là ? Et qu’est-ce que je vais y faire ?… Mourir ? Serai-je assez sot pour trépasser en ces lieux ? »
    Allons, bon !… Comme à Castelreng, il restait prisonnier de ses interrogations et de ses doutes. Il s’enfermait dans des dilemmes absurdes. Rien ne l’avertissait que ce siège serait pour lui mortel. Il devait se résigner à l’action si elle lui était imposée. Tout près de lui, Guesclin, poings aux hanches, évaluait certainement les chances qui s’offraient ou se dérobaient à lui.
    – On verra bien, dit-il à Quéguiner immobile dans son ombre.
    Il y avait un hameau désert, l’Habitarelle. Le Breton décida d’y coucher. Ensuite, il s’en alla devant la forteresse et hurla au capitaine qu’il la rendît au roi Charles, ajoutant qu’il ne partirait point tant qu’il ne l’aurait pas à sa discrétion.
    – Messire Bertrand ! hurla un homme. Nous ne vous rendrons pas notre châtelet. Nous sommes garnis de bonnes provisions, nous sommes nombreux à la défense, et dites-vous que le roi anglais, si nous nous rendions, pourrait bien dire que nous lui avons ouvré trahison.
    Guesclin hurla qu’il aurait la place à son vouloir et revint à l’Habitarelle où quelques pavillons avaient été dressés, dont le sien occupé par Olivier de Mauny. De brefs propos furent échangés, que Paindorge entendit et rapporta en hâte à Tristan :
    – Il dit qu’il a soif… qu’il est las. Mauny lui a dit que c’était à cause de la chaleur. Il y a une fontaine… L’eau y est fraîche…
    – Que veux-tu dire ?
    – Rien, dit Paindorge. Rien. Guesclin y a pris une jointée (440) .
    La nuit vint. On dormit peu ou prou cependant qu’en haut du donjon les flammes des flambeaux de poing s’échevelaient. Paindorge dont la chaleur empêchait le sommeil fit part de ses méditations à son voisin comme lui en état de veille :
    – Il y a moult Anglais parmi les défenseurs. Donc des archers… Vous savez combien ils sont hables (441) … Et nous n’avons ni haubergeon et encore moins une belle armure de fer toute simple…
    – Laisse faire Guesclin. Aie confiance en Dieu.
    Le premier assaut eut lieu le lendemain. Il fut terrible aux gens de France. Tristan refusa d’y prendre part tant que lui-même et son écuyer ne seraient point garnis en défenses de corps.
    – Soit, dit Louis de Sancerre. Vous en recevrez.
    Ils furent pourvus en haubergeons qui ne convenaient guère à leur taille mais les acceptèrent sans émettre la moindre protestation.
    Le second assaut avorta : les assaillants refluèrent avant même d’avoir ajusté les échelles sur lesquelles, ensuite, les assiégés firent tomber des boulets qui les écrasèrent.
    Le bois manquait. Le connétable fut de mauvaise humeur. Tristan préféra se mettre hors de sa vue. Une rumeur circula : on n’allait plus attaquer. Guesclin allait tenir les Anglais si à l’étroit que de nulle part ils n’auraient secours de vivres.
    Même sur ces hauteurs fouettées par des vents qui s’étaient froidis au-dessus des montagnes, la chaleur corrompait les esprits et les corps. Chacun cherchait son recoin d’ombre et s’y tenait. Dans cette espèce de somnolence où le moindre geste suscitait un afflux de sueur, où les chevaux eux-mêmes s’épuisaient debout entre des ruelles ombreuses, la fontaine seule exprimait la vie par ses murmures innocents. Des files d’hommes allaient y emplir leur barbute ou leur cervelière pour boire de la fraîcheur autant que l’eau qui jaillissait d’un court goulot de bronze. Guesclin était certain que les citernes des Anglo-Gascons se vidaient, qu’ils songeaient à la fontaine et se sentaient la gorge cruellement asséchée. La soif plus que la faim les amènerait à composition.
    – Ils vont avoir le gosier tanné, disait Paindorge, et lécher les murs à chaque aube pour se rafraîchir la langue !
    Le jour, Tristan luttait contre des assoupissements sans doute dus au vin épais que les queux distribuaient à midi. Il attendait la nuit avec impatience : il la traversait d’un sommeil morcelé dépourvu des soucis ordinaires. C’était lorsqu’il était bien éveillé, lucide et amer, que Maguelonne et Hélie hantaient sa mémoire. Il se carrait contre un rocher afin de regarder vers le sud, loin, très loin, érigeant du bout des
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