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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’était approché sans qu’ils l’eussent entendu. Il avait l’air égaré. Tristan se sentit dévisagé avec une fixité de mauvais aloi. Seul, parfois, un battement de cils animait cette face dure dont une moue aggravait l’expression d’ennui ou de lassitude. Le menton, comme toujours, se tendait en avant, mais on n’y sentait plus d’arrogance.
    – Tu parolais encore de moi, Castelreng.
    Soudain, avant même que Tristan lui eût fourni une réponse, les traits du connétable se relâchèrent. Il y eut comme un affaiblissement subit de tous ses muscles faciaux. Cette mollesse envahit le corps tout entier privé, pour une fois, de son écorce de fer. Quelque chose qui ressemblait à un doute annihila le courroux du Breton. Pourtant sa dextre se leva. Son tranchant s’abattit sur sa paume senestre.
    « La feuille du boucher qui s’abat sur la viande », songea Tristan.
    – Prends garde… Je n’ai oublié aucune de tes offenses.
    – Je n’ai oublié aucun de tes homicides.
    Guesclin s’éloigna. Tristan crut le voir frissonner.
    Il baissa les yeux. Il avait la tête pleine de Teresa et de Simon et sa détestation engloutit l’espèce de pitié qu’il avait éprouvée, le temps d’un éclair, devant un homme perdu.
    Quéguiner se leva, la mine sombre :
    – Il va être de mauvaise humeur…
    – Parce qu’il lui arrive, dit Paindorge, d’en avoir de bonnes ?
    Le Breton ne répondit point. L’arbalète sur l’épaule, il partit rejoindre son maître. Nul doute que celui-ci, dès son approche, s’empresserait de lui demander : « Qu’est-ce que ces deux-là te disaient ? » La réponse appartenait à Quéguiner.

 
II
     
     
     
    On attendit six jours et Chaliers se rendit 339 . Sitôt la forteresse évacuée, on chercha Pierre de Galard parmi les deux cents hommes qui l’avaient défendue. Son lieutenant, Seguin de Badefol, dont Tristan conservait un souvenir exécrable, fut traité par le connétable de France avec des égards qui courroucèrent également Paindorge.
    – Ils sont compains, tu le sais bien !
    – Certes, messire, je le sais. Ils n’ont jamais cessé de l’être. Cependant, mon cœur saigne d’avoir vu cet horrible routier accoler la cuisse du Breton avant que celui-ci lève les bras en signe de bienvenue 340  !
    – On dit : compains comme cochons… Que ceci te console… Nous allons être délivrés d’une emprise intenable. Nous avons perdu notre temps pour rien, sinon pour donner à Bertrand le plaisir de nous incaguer 341 . Voilà une semaine que nous donnons à même l’herbe, une semaine que nous descendons difficilement cette montagne pour nous laver au ruisseau et que nous ne savons comment employer notre oisiveté…
    J’ai soudain grand-besoin de revoir Hélie et Maguelonne.
    – Et moi, Alazaïs et mes gars. Parce que…
    Paindorge parut hésiter à poursuivre.
    – Continue, l’invita Tristan. Nous sommes seuls. On dirait, à ouïr tes paroles, que ça ne va pas trop fort entre Alazaïs et toi.
    – Bah ! fit l’écuyer.
    « Une voix de découragé », se dit Tristan.
    Paindorge souffrait-il du même mal que lui ? Un mal indéfinissable mais dont la permanence corrompait son sang. Un mal qu’il appelait parfois, faute de mieux, le mal d’amour.
    L’écuyer se gratta vigoureusement le menton. Sans doute cherchait-il ses mots. À moins qu’il n’atermoyât pour se livrer. Ce qu’il entreprit lentement :
    – On dirait, Alazaïs et moi, que nous nous sommes usés l’un avec l’autre. L’un contre l’autre. Je crois aussi qu’elle vieillit lentement et moi vélocement. Quand je l’ai connue, à Villerouge, elle s’ennuyait. C’est comme si ma venue et l’amour qui me prit pour elle lui avaient ouvert une porte vers autre chose… Une espérance sans forme… sans couleur… Je ne sais.
    Tristan acquiesça. D’une manière analogue, il avait suivi le même chemin que Paindorge. Comme son écuyer, il n’admettait pas sans difficulté qu’il pût exister des êtres aussi irréels que ceux qui se disaient heureux.
    – Et ton Alazaïs a vécu d’un decevement à un autre ?
    – C’est ce que je crois. Peut-être qu’au fil des jours, en me comparant bêtement à mes fils, elle m’a trouvé rude, plus rude, encore plus rude et plus exigeant sur tout… Or, je crois que c’est faux… C’est elle qui a endossé l’armure, si vous comprenez ce que je veux dire.
    – Oh ! Oui, Robert, je comprends.
    La

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