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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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beaucoup, elle sera un soulagement.
    – Pas pour vous ?
    Ils étaient à cent toises du village, devant le châtelet au crénelage duquel scintillaient des barbutes et autres chapels de fer.
    – Vois-tu, dit Tristan tout en tapotant son épée, j’avais dans le pommeau de Teresa de quoi envoyer cet homme en enfer.
    – Je sais… J’ai souvent pensé à son contenu 347 . Après Pedro del Valle, vous m’en avez loué l’efficace.
    – Je ne vois plus la nécessité de conserver cette poudre… Excepté ce Breton, je n’ai eu à subir la malice d’aucun autre homme.
    Le cliquet séparant en deux la boule d’acier fonctionna : elle s’ouvrit et Tristan s’ébahit en constatant que la demi-coque d’orfroi qui eût dû contenir le poison était vide.
    – Comment as-tu fait ? dit-il à Paindorge sans oser lever les yeux sur l’écuyer.
    – J’ai attendu que vous dormiez. J’ai ouvert le pommeau et pris la poudre. Dans le creux de ma main si vous voulez savoir… J’en ai moult perdu en chemin. Je suis allé à la fontaine. Quand Quéguiner est venu puiser de l’eau dans le bassin… Vous comprenez ?
    – Certes.
    – Je lui ai dit, parce qu’il y en avait moult : «  Oh ! La grosse ratepennade ! 348  » Il a levé le nez… J’ai jeté la poudre dans le cruchon…
    – Tu aurais pu empoisonner des innocents… pour autant qu’il y en a dans l’ost.
    – Non !… C’était le cruchon du Breton. Nul autre que lui n’en faisait usage. Je sais cela depuis l’Espagne… Le pommeau de Teresa est vide… J’ai fait justice.
    – En avais-tu le droit ?… Moi, j’atermoyais.
    – C’est justement pourquoi j’ai tout fait à mon gré.
    – Quand il se accoucha 349 , j’ai imaginé qu’un autre, parmi nous, avait de bonnes raisons de l’envoyer ad patres. Excepté le roi, son protecteur, il n’avait aucun ami. Il faisait de l’ombre à tous les chevaliers… As-tu vu Sancerre ? Je jurerais qu’il a le cœur léger.
    Alcazar et le genet de Paindorge, à l’abri d’un mur ruiné, semblaient attendre leur venue. Nul n’eût osé toucher à leur selle, appuyées contre des pierres éboulées. Quand leur harnois fut mis, les deux chevaux exprimèrent leur satisfaction en encensant et piétinant l’herbe jaunie par le temps plus que par leurs pissats.
    – Où allez-vous ? leur demanda Sancerre, seul, alors que la Chevalerie devait être assemblée sous la tente du connétable.
    – Nous partons, messire le maréchal. Bertrand Guesclin va trépasser. Il n’a donc plus besoin de nous. Le châtelet va ouvrir ses portes… Notre présence vous est donc inutile… Nous étions venus parce que le connétable y tenait… Qu’il trépasse en paix, s’il le peut, dans la bienveillance divine…
    – Son cœur était…
    – Noir, messire. Et son âme également.
    – Que dites-vous ?
    – Vous acquiesceriez, j’en jure Dieu, si vous l’aviez suivi en Espagne.
    Mis à quia, Louis de Sancerre considéra le bout de ses pédieux. Il se ressaisit :
    – Je ne puis nier ce que vous dites, Castelreng. Une chose est sûre : notre bon roi Charles va être en grand tristour.
    – D’ordinaire, la mort ne lui fait point peur.
    Tristan se souvenait des bourgeois de Mantes qui, en 1364, s’étaient réfugiés à Meulan. Le futur roi de France y avait été accueilli par des huées et des jets de Pierre. Aussitôt le bon dauphin avait fait saisir vingt manants pour être décapités devant lui.
    – Je crois que Bertrand ne vous aimait guère.
    – Il me haïssait, messire le maréchal. On peut vivre dans le même ost, combattre sous les mêmes bannières et s’abominer…
    La guerre… Nâjera. Le vacarme des sabots ferrés, des ruades ; les chevaux qui se communiquaient leur frayeur, et pendant que les hommes hurlaient, les galopades en tous sens qui s’achevaient par la fauchaison de ces grands corps couverts de haussements de prix.
    « Mort à la guerre ! » songea Tristan.
    Mais était-il sincère ?
    – Par deux fois, injustement, Guesclin a fait en sorte de me séparer de mon épouse avec l’espoir qu’elle ne me reverrait plus.
    – Ah ? dit Sancerre.
    À quoi songeait-il ? Le trépas du Breton allait-il élargir la voie qu’il s’était tracée ? Voyait-il à son flanc l’épée de connétable ? Elle resplendissait dans son, esprit plus encore que sous le soleil immense. Oui, elle flamboyait alors que les yeux du mourant ne la voyaient peut-être
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