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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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malement. Don Feirand de Castro, qui avait à garder et à conseiller le roi don Pèdre, son seigneur, vit bien, tant eut-il de sentiment, que leurs gens se dispersaient et se déconfisaient, car tous s’ébahissaient. Si dit au roi don Pèdre : « Sire, sauvez-vous et vous recueillez en ce château de Montiel dont vous êtes à ce matin parti ; si vous êtes là retiré, vous serez en sauvegarde ; et si vous êtes pris de vos ennemis, vous êtes mort sans merci. » Le roi don Pèdre crut ce conseil et se partit au plus tôt qu’il put et se retira devers Montiel. Si y vint si à point qu’il trouva les portes ouvertes et le seigneur qui le reçut lui douzième tant seulement. Ainsi ledit royaume de Castille fut gagné par Henri, et recouvré par Pierre et regagné par Henri, tout en un an et demi ou environ.

 
ANNEXE II
COMMENT PÈDRE EST-IL MORT ?
     
     
     
    Méprisé sinon haï des bâtards conçus par son père, Alphonse XI, et sa maîtresse, Éléonore de Guzman 357 , ainsi que des autres, nés d’une liaison du même avec Beatrix Fernandez, dame de Villa-Franca 358 , Pèdre devint un être odieux, un revanchard sitôt qu’il fut en mesure de régner. Son existence ne fut plus marquée que par des vengeances terribles, des dépenses voluptuaires, des guerres incessantes, génératrices d’interminables conflits intérieurs parsemés de meurtres d’une cruauté inracontable mais qui, hélas ! étaient dans les mœurs du temps. N’avons-nous pas eu en France Philippe IV le Bel ? D’autres encore sans compter les « héros » de 1789 dont on a honoré à grands frais l’abjection ?
    S’il vécut comme un satrape, Pèdre mourut comme un preux. Sans l’intervention d’un tiers dans la rixe qui l’opposait à son demi-frère, il eût triomphé. Henri trépassé, on imagine aisément les courbettes et les hommages qui eussent immédiatement entouré le vainqueur dans la maisonnette de Montiel où le Bègue de Villaines l’avait entraîné à moins – c’est une autre version possible – que Guesclin ne l’eût convié à le suivre sous sa tente.
    De toute manière, ces deux trigauds, experts en coups fourrés, le tenaient à merci. Les « tirades » du Bègue qui sont rapportées dans cet ouvrage prouvent, s’il en était besoin, combien cet imposteur se sentait gêné aux entournures. Qui parle trop d’honneur n’en possède fréquemment point, et qui se flatte de probité s’en trouve souvent dépourvu. La Chevalerie dont se prévalaient tous ces hommes n’était qu’une espèce de sauf-conduit grâce auquel tous les excès leur étaient permis.
    Pèdre était grand, beau, solide et d’une complexion royale. D’après sa statue polychrome déposée au Museo Ârqueolôgico de Madrid après avoir longtemps figuré au couvent des religieuses de Saint-Dominique, il avait les yeux et les cheveux noirs. Il aimait les tournois et les joutes. Il était sobre, frugal et dormait peu. Il s’exprimait avec une grâce, une douceur typiquement andalouse. Il aima les femmes autant que son père et moins que le soi-disant vertueux Trastamare. Il accumula les trésors. Il les avait entassés au château de Carmona juste pour jouir de leur vue. Il ne cessa d’augmenter ses domaines, partant ceux de son royaume. Sa tolérance était extrême, qu’elle s’exerçât à l’égard des Juifs ou des Musulmans. Il appréciait leurs services, leurs conseils, leurs bienfaits. Il savait que les persécutions n’engendrent que la haine. Malheureusement, il tyrannisa les siens, multipliant ainsi le nombre de ses ennemis tant dans le peuple que dans la noblesse. Ce fut un homme du Moyen Age, un roi contre lequel la France lutta pour soi-disant venger la mort de Blanche de Bourbon dont on ne sait encore comment elle mourut, mais dont on peut dire qu’elle fut vendue à Pèdre par ses parents, sa famille et la royauté française. Elle n’avait que quinze ans quand on la condamna au mariage.
    Guesclin abominait Pèdre. C’était dans sa nature de détester les Grands. Il est probable que le chétif Charles V lui donnait du mésaise, mais il ne répugnait nullement à faire risette au bon, au « très sage » roi pour tirer profit d’une obséquiosité dont il n’avait pas vergogne. Monseigneur Charles versait l’or des rançons. Pour témoignage de reconnaissance, il n’allait jamais au palais royal les mains vides. Son suzerain l’avait tiré de sa cage ? Il lui apportait dans les siennes
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