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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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depuis plus de vingt ans ?… Pars !… Ensuite, plus de sentiment. »
    Alcazar attendait qu’il lui parlât ; or, il ne l’osait. Le cheval trouvait singulier ce silence : il hennit en secouant sa tête aux longs crins humides, en fouettant de sa longue queue ses cuisses tandis que ses flancs frissonnaient comme si sa robe eût été de vraie neige et qu’il eût eu froid.
    – Tu voudrais partir toi aussi…
    Avait-il deviné les intentions de son compagnon ? Alcazar parut manifester son plaisir de les approuver en sabotant sa litière et en se frottant contre un bat-flanc puis contre l’autre.
    Une fois encore, Tristan éprouva le désir de partir en quête d’il ne savait quoi pour trouver la paix du corps et de l’âme. Le corps dans la satisfaction de tout, l’âme dans la sérénité.
    Un scrupule soudain envahit son esprit :
    « Tu n’as pas le droit ! »
    Il avait, à l’autel, engagé sa parole. Quel démon malicieux et pervers venait de lui réitérer le nom de Rogette d’Armissan ? Cette bachelette inconnue n’était pas pour lui. Il se pouvait qu’elle fût laide et pourvue d’un caractère étroit, possessif. Avec Oriabel, tout eût été différent. Il se l’avouait clairement, mais ne s’abusait-il pas ? Bien qu’elle fut morte, et sans même qu’il sût où elle gisait, il se sentait entraîné vers elle. Une fois de plus. Bien qu’elle eût à jamais disparu, elle existait toujours dans son cœur. Il éprouvait pour l’amour qu’elle lui avait voué la même reconnaissance que si elle était demeurée en vie. Il lui savait bon gré, toujours, d’avoir été telle qu’elle était. Ils s’étaient donnés tout entiers l’un à l’autre et cet abandon de lui-même, en dehors de toute méditation, lui avait fait entrevoir un bonheur si parfait que l’Éternel peut-être l’en avait privé parce qu’il ne le méritait pas ou qu’il lui réservait Maguelonne.
    Il venait d’empoigner sa selle, tiède encore du corps d’Alcazar, quand il se retourna. Sur le seuil de l’écurie, son épouse et Paindorge l’observaient. Tout proche d’eux, en retrait, Hélie souriait, heureux de revoir son père.
    Soudain, les bras en avant, l’enfant se précipita.
    Maguelonne demanda, d’une voix dont l’oppression amenuisait la sonorité :
    – Que faisais-tu ?
    Elle avait deviné avant lui de quoi il était capable. Paindorge également. L’écuyer restait muet, n’osant interpréter le geste qu’il avait entrevu.
    – Tu restais ou tu partais je ne sais où ?
    La réponse devait être rassurante :
    – Je reste, dit péniblement Tristan.
    La selle chut. Il ouvrit ses bras à Hélie. Après une étreinte brève, il le saisit par les hanches et l’éleva très haut, si haut que Maguelonne s’écria :
    – Prends garde !
    Était-ce une menace froide et concise ? Non, certes, puisqu’elle ajoutait :
    – Tu lui mets les cheveux dans des toiles d’araigne.
    « Je reste auprès d’eux », décida Tristan tout en reposant son fils sur le sol.
    Rester. Il s’en maudissait presque.
    Il allait donc refranchir bientôt la grosse porte de Castelreng et s’enfermer, s’acagnarder entre les hautes parois de son châtelet en attendant il ne savait quel appel. Celui de la foi ? Celui de la guerre ? Celui de la mort ?
    Dieu seul lui fournirait la réponse.

 
ANNEXE I
LA BATAILLE DE MONTIEL
     
     
     
    (Froissart)
    Le roi don Pèdre, qui avait fait son amas de gens d’armes à Séville et à l’environ, si comme ci-dessus est dit, et qui désirait à combattre le bâtard son frère, se partit de Séville pour venir lever le siège de devant Tolède. Entre Séville et Tolède peut avoir neuf journées de pays 354 . Si vinrent les nouvelles en l’ost du roi Henri que le roi don Pèdre approchait, en sa compagnie plus de quarante mille hommes que uns que autres, et sur ce il eut avis. À ce conseil furent appelés les chevaliers de France et d’Aragon qui là étaient, et par spécial messire Bertrand du Guesclin par lequel on voulait du tout ouvrer. Ledit messire Bertrand donna un conseil qui fut tenu, que tantôt avec la plus grande partie de ses gens le roi Henri partit et chevauchât à effort par devers le roi don Pèdre, et en quel état qu’on le trouvât on le combattit : « Car, dit-il, nous sommes informés don Pèdre qu’il vient à grande puissance sur nous. Et trop nous pourrait grever, s’il venait par avis jusqu’à nous ; et si nous
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