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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur
Autoren: Pierre Naudin
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qu’ils étaient réunis ?
    – Guesclin t’a empoisonné l’esprit.
    Elle n’en disconvint pas.
    – C’est à toi de trouver le remède. Je n’ai rien à me reprocher.
    Maguelonne hocha la tête, simulant une indifférence aussi fausse que la sérénité qu’il lui montrait.
    – Si tu ne te guéris pas, notre vie à deux sera menacée.
    Elle eut un sourire de biais. Il s’attendit à une méchanceté, une absurdité ; quelque chose, en tout cas, qui gonflerait son acerbité.
    – Il y a de belles filles à Castelreng… Je suis sûre que tu les regardes avec… appétit.
    Elle regretta aussitôt son propos. Plutôt que de s’irer contre elle, Tristan préféra rester de glace. Il allait devoir vivre : recommencer chaque jour les mêmes gestes, ouïr ou prononcer presque toujours les mêmes mots, regarder passer les saisons ; grossir, sentir se relâcher et s’amollir ses chairs et ses muscles et voir la calvitie dégarnir son front et son crâne ; renoncer aux tournois, participer peut-être aux joutes pour y soulager ses ires sans plus penser qu’il y pourrait remporter le prix… Vivre, pour lui, serait-ce mourir d’ennui ?
    Rogette d’Armissan avait-elle trouvé un époux ? Elle devait être belle, douce, capiteuse (444) . Rêver : si elle l’aimait, elle se dirait peut-être que tout ce qui avait précédé leur rencontre ne comptait point, même Maguelonne et le fils qu’elle lui avait donné.
    La gorge de Tristan se serra. Il détourna la tête pour échapper au regard angoissé, hardi et possessif de son épouse. Elle souffrait ? Et lui ? Il existait – il le savait désormais – des navrures du cœur et de l’esprit pires que celle commises par une sagette ou le tranchant d’une lame. Ce qui lui avait plu en Maguelonne, c’était la simplicité de ses propos, la fraîcheur de son allure, la grâce merveillée de ses abandons ; son admiration aussi pour sa personne : il était le seigneur qu’elle avait espéré, le preux qui la défendrait. Or, elle l’avait dépouillé de sa bachelerie (445) . Il allait devenir ou redevenir un huron à peine fortuné qui s’ennuierait auprès d’elle. Parce qu’elle semblait faire en sorte qu’il en fût ainsi.
    Il sonda les yeux embués de son épouse. Il n’y trouva aucune promesse de gaieté ; seule une compassion tournée vers elle-même. Ce qu’il éprouvait maintenant pour elle, c’était de la tristesse et peut-être de la pitié. Elle se persécutait avec un certain plaisir.
    Rogette d’Armissan… Même si cette noblerette différait du tout au tout de Maguelonne, il serait mal heureux rétrospectivement ; il se repentirait d’un abandon indigne… Vivre ailleurs ? Vivre ailleurs qu’à Castelreng, sa chevance 353  ? Alors pourquoi en avait-il chassé Aliénor, Olivier et les culverts qui s’y trouvaient ?… Vivre avec une autre femme ? Partager ses plaisirs mais aussi ses ennuis, car il n’était aucune femme qui ne sût éviter de se plaindre de tout !
    Ce serait en premier l’émouvante chanson des gestes, les appels des désirs, l’accommodement des sens ; l’énigme des émois qui n’osent s’affirmer. Quand leur mystère serait élucidé, quand il connaîtrait ce corps, cette âme, viendrait le temps du rassasiement. Mieux valait essayer de renouer avec Maguelonne les liens sacrés ou non du mariage. Il saurait s’esseuler par de longues chevauchées ; il saurait être sourd, aveugle quelquefois. Il y aurait Hélie. Peut-être deviendraient-ils des amis.
    Paindorge apparut.
    – Vous en faites une tête !
    C’était un être simple. C’était lui que Maguelonne aurait dû épouser. Point de mésalliance…
    Tristan se leva :
    – Alcazar a-t-il eu son fourrage ? Son eau ?
    – Oui.
    – Je vais le voir.
    – N’avez-vous plus confiance ?
    – Si… J’ai besoin de le voir, c’est tout.
    Tristan, lentement, contourna l’hôtellerie.
    L’écurie lui parut étroite et ténébreuse. Dans sa parclose, Alcazar rongeait son foin et tapait parfois du sabot. Sa selle était là, toute proche, à calefourchies sur un tréteau.
    « Mets-la-lui ! Mets-la-lui… Pour aller où ?… Qu’importe où tu iras… Mets-la-lui et chausse l’étrier !… Vivre, ce n’est point mourir d’ennui… Ne tarde pas !… J’avais moult moins peur avant une bataille… Pars ! Pars sans te retourner : ton destin, c’est d’être un chevalier d’aventure. Pourquoi ne l’ai-je pas compris
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