Les spectres de l'honneur
jaillit aux yeux (!) du vainqueur, étouffant le cri terrible (!) qui s’échappait des lèvres de don Pedro… et un ruisseau de sang coulait et fumait (!) comme s’il eût conservé le feu de la colère et de la haine. »
L’auteur de la Chronique des quatre premiers Valois, un membre du clergé de Rouen, certainement Jean de Venette d’après Edmond Meyer (auteur d’un Charles II de Navarre – Paris, 1898), ne portait pas certains personnages de son temps dans son cœur. Guesclin fut certainement pour lui un guerrier sans plus d’intérêt qu’un autre. Si le récit de la mort du roi de Castille tient peu de place dans son texte, on y découvre une précision intéressante :
Cy parle de la guerre renouvellée en Espaingne entre le roy Henry et le roy Petre. Et dit que, après ce que le prince de Galles eust remis le roy Petre en son royaume après sa victoire, et que après ce feust retourné en Guienne et mené ses prisonniers, et le roy Henri feust venu devers le pape et eust trouvé monseigneur le duc d’Angou, comme devant est dit, il jiit ainsi que le prince eust mis à raençon le mareschal d’Andrehen et le Begue et leurs raençons paiées. Ledit Begue, comme devant dit est, vint à la cour du pape en Avignon où le dit roy Henry estoit avec monseigneur le duc d’Angou qui moult grandement l’avoit festoié et sollennelment reçeu. Et s’en ala en Espaingne o le roy Henry et conquistrent moult de villes et forteresses. Et comme Hz avoient assiégé la cité de Toullette et que le roy Petre estoit alé quérir secours au roy de Bellemarine, Sarrasin, lequel lui fit grant aide de Turcs et de Sarrasins ; cependant monseigneur Bertran de Clacquin o grant secours pour le roy Henry vint en Espaingne et tout droit vint au siege de Toullette. Et tantost après ce qu’il fut venu, vint le dit roy Petre o les diz Turcs et Sarrasins. Et comme le roy Henry le sceut, lui, monseigneur Bertran de Claquin, le dit Besgue et leurs gens vindrent en l’encontre et les combatirent et desconfirent. Comme le roy Petre aperçust la deconfiture de ses gens, il s’en ficy et se bouta en ung très fort chastel assuis en très haulte place nommé Le Moncel, et là fut parsuivy du dit roy Henry, monseigneur Bertran et Besgue o leurs gens, lesquelz mistrent le siege devant le dit chastel. Et comme le roy Petre se vit ainsi avironné de toutes pars de gens d’armes, il fit par ung syen chevalier privé en qui moult se fioit traictier au dit Bertran et au dit Besgue de Villaines que, se ils le povoient getter hors des mains Henry le Bastart son frere, qu’il leur donneroit et livreroit cent mille doubles de fin or. Ceulx convoitèrent l’or et distrent aux messages que si feroient Hz. Le roy Petre leur fit mettre terme en une certaine nuyt que le dit Bertran et le dit Besgue vindrent au pié du chastel. Et fut mené le roy Petre en une plate maison soubz le chastel. Et comme les diz monseigneur Bertran et Besgue en furent partis et qu’ilz ourent reçeu les flourins ainsi comme le roy Petre s’appliquoit pour monter et s’en aler, le roy Henry vint et dit : « Où est Petre, qui se dit roy d’Espaingne et de Castelle ? » Le roy Petre dist lors : « Traïtour, je suy le roy d’Espaingne et de Castelle. » Et tantost couru sus au roy Henry, maiz la force n’en fut pas au roy Petre. Car il fut prins et lui fit le roy Henry coupper la teste. Ainsi mourut le roy Petre et le dit roy Henry demoura paisible roy de Espaingne et de Castelle. Lequel roy Henry donna au dit monseigneur Bertran de Claquin et au dit monseigneur le Besgue de Villaines grans terres, possessions en Espaingne, c’est assavoir au dit monseigneur Bertran la duchié de Moulinez et les appartenances et au dit Besgue la conté de Ribedieu et toutes les appartenances.
ANNEXE III
BERTRAND DU GUESCLIN, CONNÉTABLE DE FRANCE
(20 octobre 1370) (Froissart)
Or fut avisé et regardé en France, par l’avis et conseil des nobles et des prélats, et la commune voix de tout le royaume qui bien y aida, que il était de nécessité que les Français eussent un chef et gouverneur, nommé connétable ; car messire Moreau de Fiennes se voulait ôter et déporter de l’office. Si que, tout considéré et imaginé, d’un commun accord on y élit monseigneur Bertrand du Guesclin, mais qu’il voulsît entreprendre l’office, pour le plus vaillant, mieux taillé et idoine de ce faire, et plus vertueux et fortuné en ses besognes qui en
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