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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ce temps s’armât pour la couronne de Fiance.
    Adonc écrivit le roi devers lui et envoya certains messagers qu’il vînt parler à lui à Paris. Ceux qui y furent envoyés le trouvèrent en la vicomté de Limoges, où il prenait châteaux et forts, et les faisait rendre à madame de Bretagne, femme à monseigneur Charles de Blois ; et avait nouvellement pris une ville qui s’appelait Brantôme et étaient les gens rendus à lui. Si chevauchait devant une autre. Quand les messagers du roi de France furent venus jusques à lui, il les recueillit joyeusement et sagement, ainsi que bien le savait faire. Si lui baillèrent les lettres du roi de France et firent leur message bien à point. Quand messire Bertrand se vit espécialement mandé, si ne se voult mie excuser de venir vers le roi de France, pour savoir quelle chose il voulait ; si se partit au plus tôt qu’il put, et envoya la plus grand’partie de ses gens ès garnisons qu’il avait conquises, et en fît souverain et gardien messire Olivier de Mauny, son neveu ; puis chevaucha tant par ses journées qu’il vint en la cité de Paris, où il trouva le roi et grand’foison des seigneurs de son hôtel et de son conseil, qui le recueillirent liément et lui firent tous grand’révérence. Là lui dit et remontra le roi comment on l’avait élu et avisé à être connétable de France. Adonc s’excusa messire Bertrand grandement et sagement, et dit qu’il n’en était mie digne, et qu’il était un pauvre chevalier et un petit bachelier, au regard des grands seigneurs et vaillants hommes de France, combien que fortune l’eût un peu avancé. Là lui dit le roi qu’il s’excusait pour néant et qu’il convenait qu’il le fut ; car il était ainsi ordonné et déterminé de tout le conseil de France, lequel il ne voulait pas briser. Lors s’excusa encore ledit messire Bertrand, par une autre voie, et dit : « Cher sire et noble roi, je ne vous veux, ni puis, ni ose dire déduire de votre bon plaisir ; mais il est bien vérité que je suis un pauvre homme et de basse venue. Et l’office de la connétablie est si grand et si noble qu’il convient, qui bien le veut acquitter, exercer et exploiter et commander moult avant, et plus sur les grands que sur les petits. Et veci messeigneurs vos frères, vos neveux et vos cousins qui auront charge de gens d’armes en osts et en chevauchées. Comment oserais-je commander sur eux ? Certes, sire, les envies sont si grandes que je les dois bien ressoingner. Si vous prie chèrement que vous me déportez de cet office, et que vous le baillez à un autre, qui plus volontiers le prendra que moi, et qui mieux le sache faire. » Lors répondit le roi et dit : « Messire Bertrand, messire Bertrand, ne vous excusez point par cette voie ; car je n’ai frère, cousin, ni neveu, ni comte, ni baron en mon royaume qui n’obéisse à vous ; et si nul en était au contraire, il me courroucerait tellement qu’il s’en apercevrait ; si prenez l’office liément ; et je vous en prie. » Messire Bertrand connut bien que excusances qu’il sût faire ni pût montrer ne valaient rien ; si s’accorda fïnablement à l’opinion du roi ; mais ce fut à dur et moult envis. Là fut pourvu à grand’joie messire Bertrand du Guesclin de l’office de connétable de France ; et, pour le plus avancer, le roi l’assit delez lui à sa table ; et lui montra tous les signes d’amour qu’il put ; et lui donna avec l’office plusieurs beaux dons et grands terres et revenus, en héritage, pour lui et pour ses hoirs. Et en cette promotion mit grand’peine et grand conseil le duc d’Anjou.
    *
    Les conditions de Bertrand du Guesclin
    (Jean Cuvelier)
     
    Ah ! Sire, dit Bertrand, vous m’offrez courtoisie.
    L’office est bel et bon, ne l’refuserai mie :
    Puisque Jésus-Christ m’a cet honneur envoyé,
    Si je le refaisais, je ferais folie.
    Mais un don vous requiers pour votre courtoisie,
    Qui n’est mie trop grand, je vous acertifie,
    Que jà là votre honneur n’en sera amoindri ;
    Si ce don refusez, dame Dieu me maudie,
    Si cet office-ci n’est par moi renonci. »
    Et dit le noble roi : « Bertrand, je vous en prie,
    Dites quel don voulez ; ne l’refuserai mie ;
    Mais ne me demandez ma couronne jolie
    Et ma noble moullier que je tiens à m’amie.
    – Nemi, ce dit Bertrand ; par Dieu le fruit de vie
    J’ai d’une femme assez et trop de la moitié.
    Sire, ce dit Bertrand, je vous en dirai

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