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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à merci ou s’il guerroyera… S’il veut venir à merci, on le recevra. Vous lui donnerez un duché dont il s’aidera pour vivre. Peut-être qu’une paix se fera entre vous.
    Pour Tristan, c’était là un langage inhabituel.
    – Voilà le Breton qui veut manger à deux râteliers, chuchota Paindorge.
    Mais déjà, sans même percevoir l’intérêt de son complice dans une suggestion pareille, le prétendant, ébahi, se courrouçait :
    – Quoi ?… C’est vous, Bertrand, qui me dites cela ?… Fol est votre conseil !… Si Pèdre fait la paix avec moi, il finira par me trahir… Si je le puis tenir, il ne me nuira jamais plus !… Je le mettrai incontinent en geôle et je l’y ferai…
    Henri allait livrer sa pensée lorsqu’il se ravisa :
    – Je veux bien qu’on lui envoie un de vos hérauts… Venez.
    Les deux hommes s’éloignèrent. Tristan et ses compagnons se levèrent. Guesclin flaira leur présence et revint sur ses pas :
    – Ainsi, vous étiez là… Vous avez ouï nos propos.
    – Oui, dit Tristan. Nous nous étions assis parce que nous sommes à l’aguet depuis cette nuit.
    – Je t’en fais nul reproche, dit le Breton avec ce sourire de dogue annonciateur de quelque mésavenance. Nous parlions d’un héraut à envoyer à Pèdre… et te voilà !… Pourquoi pas toi ? Il te connaît depuis que je t’ai envoyé à lui à Séville.
    – Et j’en suis revenu contrairement à ton espérance.
    – Bah ! Bah ! fit le Breton.
    – Tu as une étrange façon de nier, releva Tristan.
    S’il n’avait point su combien Henri et Guesclin étaient liés, il n’eût pas eu l’audace de leur remémorer cet événement. Il avait le sentiment de ne commettre aucune imprudence. Il savait néanmoins quelles conséquences il allait déclencher. Elles vinrent telles qu’il les avait fantasiées (386) .
    – Ce sera toi notre héraut !
    Tristan s’inclina comme à l’issue d’un compliment. Et jouant sur les mots :
    – Il ne me déplaît pas d’être héroïque.
    Guesclin se renfrogna :
    – Prends ta bannière.
    – Je n’en ai pas. Perdue… Oui : perdue à Nâjera.
    – Prends la mienne.
    – Sa hanste 86 ne ferait que me brûler les doigts.
    Tristan savait qu’il frappait fort. Henri souriait. Sans doute, à en juger par le plaisir qu’il prenait à cet affrontement, aimait-il moins Guesclin qu’il ne le prétendait.
    Tristan ne doutait de rien. Il ne commettait aucune maladresse :
    – Offre ta bannière à un Breton. Pas à moi… Je l’ai vue, naguère, à Toledo, pas bien loin de deux têtes coupées. Deux têtes d’enfants que j’avais appris à aimer.
    – Deux têtes de Juifs !
    – Ainsi tu t’en souviens.
    La vieille blessure saignait pour Tristan. Il en avait les yeux humides. Guesclin, lui, souriait. Depuis ce jour funeste, il avait assisté à quelques messes et se sentait lavé par des flots d’eau bénite.
    – Holà ! dit Henri, nous ne sommes pas à Toledo, mais à Montiel. Vous viderez votre querelle un autre jour, loin de ma présence… Pour l’heure, Castelreng, vous prendrez ma bannière et un coursier digne d’icelle et… de moi !… Ne tardez point.
    Tristan s’inclina :
    – Puis-je être hourdé par ces deux hommes ?
    – Certes ! Certes !… Ayez la mine réjouie devant Pèdre qui l’aura, lui, funèbre… Soyez un héros dans le sens où vous l’entendez…
    Tristan se sentait pâle ; moins, sans doute, que Guesclin dont il entendait le souffle ample et rageur. Pour conjurer un silence hostile et oppressant, il recula d’un pas, les mains crochetées à sa ceinture d’armes :
    – Où et à qui puis-je emprunter ce cheval ?
    – Je vais vous en fournir un moi-même, dit Henri. Suivez-moi tous les trois… et vous aussi, Bertrand.
    C’était une offense involontaire que Guesclin eût été le dernier nommé.
    – Bon Dieu ! dit-il, si c’était moi et sur mon Paimpol, je serais déjà devant leur pont-levis, s’il en existe un, et je transpercerais Pèdre de mon épée… Nul doute que je verrais en premier tous les Juifs déposer leurs armes !
    Il se contredisait. N’avait-il point suggéré à Henri d’offrir un duché à Pèdre ? Maintenant, il voulait sa mort.
    – Qu’en dis-tu, Castelreng ?
    – Je réponds qu’un héraut ne verse pas le sang et qu’on ne verse pas le sien. Sa personne est sacrée. Cela, Pèdre le sait.
    Il était froid, serein et péremptoire. Il sentait Guesclin

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