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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Dieu !
    – Gloire à Dieu, dit Guesclin. La male bête est au gîte et nous avons le temps. Quoi qu’elle fasse, elle est nôtre et nous l’allons occire.
    Il se frottait les mains. C’était dans sa nature que d’imaginer la mort d’un homme – qu’il fût roi, prince ou manant – et de s’en réjouir lorsqu’elle advenait.
    *
    Il ne restait plus qu’à attendre. On évaluait à quatre cents les hommes qui, à la suite de Pèdre, s’étaient réfugiés dans l’enceinte de Montiel. L’accord s’étant fait sur ce nombre, on n’était point en pénurie de conjectures sur leur état et leur croyance. Certains, à l’exemple de Guesclin, affirmaient que les Juifs étaient désormais les maîtres du château. D’autres prétendaient que les Sarrasins avaient fui. On raconta que les Sévillans de l’armée de Pèdre, en les voyant abandonner le combat, les avaient assaillis en hurlant : «  Traîtres ! Vous faillez vilainement au besoin. Jamais vous ne retournerez au pays de Tervagant 84  ! Jamais nous n’obéirons à Pedro tant qu’il aura près de lui des mécréants tels que vous ! » Il fallait prendre son temps. On l’occupa à amonceler le butin extrait du village de toile où Pèdre avait campé. Il fut gardé par cinq cents hommes, preuve qu’il était important. Nul ne pouvait, sous peine de la hart 85 , s’en approcher d’une toise.
    Et l’encerclement de Montiel commença.
    À l’emplacement de ceux que l’on avait brûlés après qu’on les eut vidés de leur contenu, on dressa des pavillons et des trefs pour les capitaines, mais ceux-ci préférèrent hôteler dans quelques maisons du village voisin après en avoir dispersé les propriétaires. On fit fumer les cuisines afin que Pèdre en subît l’odeur, ce qui était peu probable. On fit dresser des tables qu’on garnit de nourriture : chair, pain, vin. On fit jouer les ménestrandies afin que de là-haut, Pèdre les entendît. On fossa le sol largement et profondément et, en prévision d’un long siège. On éleva des murs de pierres. La garde était si serrée, disait-on, qu’un grain de blé passant par là eût été vu et retenu, et que pas un oiseau n’eût pu quitter Montiel sans qu’il ne fût vu et abattu. Les capitaines furent tenus de ne point s’éloigner de ces retranchements. Tristan se vit désigné, par le Bègue de Villaines, avec Paindorge et Cabus, pour garder un muret proche du pavillon de Guesclin, cependant que leurs chevaux étaient réunis à proximité de ceux des Bretons, sous la surveillance de Kerlouet et de ses picquenaires.
    L’incertitude triboulait les hommes. La parole se mit à suppléer le geste. On sut que Guesclin s’était égaré dans un ravin alors que la bataille devenait incertaine et que le Breton, en y apparaissant, avait juré de suivre le roi Pèdre à Séville, s’il le fallait, moins pour l’occire que pour lui ravir un trésor qu’il eût abutiné avec ses seuls Bretons. De quatre cents, de bouche en bouche, les hommes enfermés dans Montiel devinrent sept cents. La seule vérité qui fût équitablement partagée fut que ces réfugiés, s’ils ne tentaient aucune sortie, soit pour s’enfuir, soit pour rober de la nourriture aux assiégeants, périraient avant dix jours de la faim et de soif.
    Ils tentèrent l’aventure au lendemain de leur défaite : le jeudi 15 mars, à l’aube. Ils furent repoussés sans subir la moindre perte.
    – Assaillons-les ! décida Henri. Ils sont trop peu pour nous, Bertrand ; trop peu en vérité.
    Les deux hommes, qui cheminaient le long d’un muret, s’arrêtèrent. Tristan tout proche, assis dans l’herbe entre Paindorge et Cabus, les pouvait entendre. Peu importait qu’il les vît : il imaginait sans mal leurs visages dévorés de fureur et d’impatience. Sans la prise de Montiel, leur victoire obtenue sur les Juifs, les païens et les Mahoms de Pèdre, serait sans gloire. Le roi cruel, là-haut, entre deux merlons, devait considérer d’un œil avide et las tantôt la sierra lointaine, tantôt la ronde bariolée des trefs et des aucubes de ses ennemis dont il imaginait la joie, même s’ils étaient simultanément livrés aux froideurs de la maussaderie et aux feux de la haine.
    – Sire Henri, dit Bertrand, oyez ce que je dis. On n’aura en nul jour ce château par assaut. Envoyez-y un héraut pour parler au roi Pèdre, savoir comme il va, s’il tiendra sa bastille ou s’il la rendra ; s’il viendra

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