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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prévu et qu’il imaginait agréablement l’avenir. Bien qu’il fît très chaud désormais – midi n’était pas loin -, il était le seul qui eût conservé son bassinet en tête sans pour autant qu’il le protégeât des mouches de plus en plus nombreuses et hardies. La souveraine frisqueté 89 des ricos hombres autour de lui, en chaperons et pourpoints de prix, n’absorbait pas son attention : il regardait Montiel sur son téton rocheux. Nul doute qu’il l’eût voulu conquérir pour lui, bien qu’il s’en fût défendu si Henri avait percé son secret.
    – Attendons, dit le prétendant.
    Derrière ses chevaux, il repartit vers son pavillon. Ses hommes liges le suivirent. Guesclin, poings aux hanches, demeura :
    – Moi, j’aurais su me faire ouvrir. J’aurais vu Pèdre.
    – Il se peut, dit Tristan sans élever la voix… Dis-moi, Bertrand, ce n’est pas une aigle qui devrait figurer sur tes armes. Un Phénix te conviendrait mieux.
    Le Breton ne bougea ni ne broncha. Il fallait qu’il assimilât cette gabe (387) . S’il avait différé de ce qu’il était, Tristan lui eût rabattu son viaire 90 comme il venait de lui rabattre son caquet : en même temps que le bassinet, leur algarade eût été close. Il s’aperçut – et s’en merveilla sur le coup – que Guesclin était celui de toute l’armée qui ressemblait le plus à ce qu’il faisait : la guerre. Il était laid comme elle. Il dit alors :
    – Le peu que j’ai vu de ton visage, à mon retour, a confirmé mes soupçons. Tu aurais bien aimé qu’une fois là-haut, nous soyons conjouis 91 par moult carreaux d’arbalète.
    – Hé ! Hé ! Castelreng, serais-tu devin ?
    Et Guesclin, pour quelques jours au chômage, s’en alla courtiser Don Henri.
    Paindorge fit un pas :
    – Messire, il ne faut point courroucer ce forfante. Vous savez…
    – Oui, Robert. Je sais de quoi il est capable.
    L’écuyer devina que cette fois-ci, son influence serait vaine. Il parut se résigner à ne plus l’exercer pour un temps. Il avait contracté l’habitude de ne jamais taire ce qui l’occupait. Tout ce qu’il y avait de sensible en lui se regimbait contre une attitude qu’il ne pouvait admettre. Tristan mit de l’eau dans son vin :
    – Tu as bien fait de te hisser à ma hauteur – pour autant que j’en aie. Plus nous nous attardons céans, plus je deviens hargneux.
    – Pourquoi ?
    – Je crains que nous n’assistions une fois de plus à des choses répugnantes. Je renonce à percer les idées du Trastamare à l’égard de Bertrand. Va-t-il suivre les conseils du Breton ? Va-t-il le traiter en vassal plutôt qu’en complice ? On dirait qu’il doute de son devenir. Qu’il sent ou sait que Pèdre est plus royal que lui. Et ce sentiment développe en son crâne une forcennerie terrible : celle du bâtard méprisé par le fils légitime. Pèdre décidait seul, quoi qu’on dise. Henri a besoin de subir des influences comme certains de ces hommes qui aiment à être meshaignés 92 par leurs femmes ou des putains qui les frappent à coups d’escourgée. Le Breton aggrave ses dispositions au mal. La vie n’a inculqué que du mauvais chez cet ambitieux.
    – Pèdre et lui, pour cela, sont bien du même père !
    – Certes, Robert. C’est la présomption et la lubricité paternelle qui ont noirci leurs sangs.
    – Et alors ? demanda Paindorge, las et maussade.
    – Alors ? Plus nous nous attardons à Montiel, plus je sens sur moi et dans ma tête mes attaches avec la France. Plus j’aspire à y revenir et à revoir Maguelonne. Ai-je trop de cœur pour exercer le métier des armes ?
    – Sans doute, dit pesamment Paindorge. Sans doute… Et si vous me le permettez, je pense que je vous ressemble.

 
III
     
     
     
    Si, dans l’ignorance des desseins de leurs ennemis, les assiégés de Montiel se livraient obligatoirement à d’interminables conjectures, ceux-ci pouvaient aisément imaginer ce qu’était la vie dans la forteresse : une chiche nourriture, une eau rare qui s’épuisait, des blessures dont certaines, putréfiées par la chaleur et l’absence de soins, tuaient leur homme ; des chevaux qui prenaient de la place et souillaient les cours encombrées de guerriers exténués, confits dans leur crasse ; et l’attente, surtout : l’attente d’on ne savait quoi et dont on espérait tout dans une oisiveté puante. Des querelles sans doute et peut-être des larmes. La seule issue pour ces

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