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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dévoré par l’envie d’une querelle à outrance. Eh bien, non : il ne lui fournirait pas l’occasion de passer aux actes.
    – Allons voir ces chevaux, sire, dit-il ostensiblement, tout en se riant de la fureur du Breton. Je porterai votre bannière.
    – Celle du León… Votre écuyer tiendra celle de la Castille.
    – Avec honneur, dit Tristan.
    Il n’en pensait pas un mot : le port de ces bannières constituerait une provocation. Il devait, cependant, complaire au prétendant. Plus il moissonnerait des mérites auprès de Don Henri, plus Guesclin le vomirait – s’il pouvait encore se hausser d’un degré dans la détestation. Ce lui était un délit 87 de voir que, pour le moment, il le supplantait dans l’estime de l’Espagnol. Si cette revanche, pour mince qu’elle fût, ne le consolait pas de la perte de Simon et de Teresa, du moins versait-elle un baume sur la plaie que le Breton avait inconsciemment ravivée.
    – Vous n’êtes qu’un marmouset, lui dit Paindorge… Feriez bien de prendre garde…
    *
    Tristan reçut pour monture un genet dont la robe blanche était aussi belle que celle d’Alcazar. Un beau cheval aux fermes aplombs : campé devant, régulier derrière. La tête était légère, l’œil vif, les oreilles fines et mobiles, les lèvres minces, les naseaux bien ouverts, l’encolure longue et parfaitement découpée ; pas trop d’air sous le ventre. Il se sentit observé avec hautaineté par ce coursier dont le regard semblait dire : « Tout l’honneur est pour toi, car je suis l’aimé, sinon le préféré d’un prince. » Pouvait-il être à la fois orgueilleux et docile ?
    – C’est un ambitieux comme son maître, dit-il à Paindorge et à Cabus sans crainte d’être désavoué ni par ses compères ni par le palefrenier qui lui avait amené Favor al Rey tout sellé, dont les harnois et lormeries étaient rehaussés d’or et d’argent.
    L’écuyer obtint un roncin brun, balzan des quatre pieds, ce qui, dès qu’il l’eut monté, l’incita à réciter :
    – Balzane un, cheval de rien ; balzane deux, cheval de gueux ; balzane trois, cheval de roi ; balzane quatre, cheval à battre.
    Cabus eut un liard de fort belle apparence dont il se soucia peu du nom – comme Paindorge.
    Henri revint. Il précédait trois porte-bannières. Tristan reconnut celle du León : d’argent à un lion de gueules armé, lampassé et couronné d’or  ; celle de la Castille : de gueules au château d’or de trois tours et celle des Castelreng : de gueules à deux tours d’argent.
    –  Comment savez-vous, sire ?
    – Guesclin… Il m’a confirmé ce que j’avais cru voir sur votre cotte d’armes.
    Baissant la tête, le menton appuyé sur sa poitrine, Tristan vit qu’il ne restait qu’un moignon de tour et un fragment de velours rouge pas plus grand que trois doigts sur le tissu de lin éclaboussé de sang. Tout le reste s’en était allé avec les déchirures dues aux épées adverses. Il n’en avait point fait grand cas, pressentant que le dénouement de la querelle entre les deux frères le libérerait de sa sujétion à Guesclin tout en lui permettant de regagner la France.
    – Il se trouve, dit Don Henri, qu’un de mes ricos hombres, Rodrigo Jimenez de Obregón, a les mêmes armes que les vôtres. Il vous prête volontiers sa bannière… Messires, j’ai confiance en vous.
    Il leur restait à respecter la coutume des chevaliers soucieux d’être accueillis pacifiquement : tous trois se déceignirent et lièrent leur épée nue au troussequin de leur selle, de façon que la poignée fût en bas – insaisissable -, la lame appuyée sur la hanche du cheval et l’estoc hors de la croupe.
    – N’oubliez pas, leur recommanda Don Henri lorsqu’ils furent en selle, qu’il vous faut convaincre Pèdre de nous ouvrir Montiel. Rassurez-le. Dites-lui instamment qu’il aura la vie sauve ainsi que tous ses fidèles.
    – Même les Juifs et les Mores ? s’enquit Tristan avec malice.
    – Même eux… Je vous en fais serment. Nous n’occirons personne !
    Fallait-il le croire ?
    « Non », décida Tristan. « Il ne m’a pas regardé en face. Il pourpense un mauvais coup et Guesclin est son complice. »
    Il n’allait tout de même pas prévenir Pèdre de se méfier !
    *
    La pente qui menait à Montiel était rude, bosselée de pierres éparses entre des jonchées de brious dans lesquels les sabots des chevaux s’enfonçaient comme dans du

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