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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sable. De loin en loin, émergeant de ces graviers, un rocher rondelet ou pointu hissait son crâne ou sa cagoule noire. Il fallait aller doucement pour ne point blesser les montures. Parfois, se retournant d’un côté ou de l’autre, Tristan voyait le camp de Don Henri et partant de part et d’autre de celui-ci, les deux bras de fer tantôt larges, tantôt étroits, qui encerclaient Montiel. Aucun arbre, aucun épinier sur cette montagnette en forme de poivrière. Rien pour se dissimuler.
    – Toute fuite est impossible, dit-il. À moins que ce château ait un souterrain.
    Ils franchirent des barrières, virent un pont-levis au-dessus d’une douve sèche.
    – C’est horrible par ici, dit Paindorge.
    – C’était ainsi à Brignais, il y a sept ans…
    Tristan vida son esprit de souvenirs importuns. Il leva plusieurs fois sa bannière et vit des almetes, barbutes et cervelières scintiller entre des merlons.
    – Holà, hombres  ! cria-t-il. Le roi Pedro peut-il nous recevoir ?
    Les créneaux s’étaient dégarnis. Seule une tête coiffée de fer demeura au-dessus de la bretèche d’entrée :
    –  Que pasa ?
    – Francés ! hurla Tristan.
    –  Los Francés, dit un homme invisible, sans doute en contrebas du chemin de ronde. Hijos de putas !
    –  Ces fils de putes, comme il dit, n’ouvriront pas, grommela Cabus.
    Paindorge seul semblait confiant. Et son cheval qui falquait. L’arestuel de la bannière des Castelreng (ou Obregón) sur le fautre de l’étrier, il remuait celle-ci sans trêve comme pour la rafraîchir tant la chaleur devenait forte.
    –  Uno Francés para aqui.
    –  Faut qu’ils se réfèrent au roi, dit Cabus.
    –  Paciencia !… Tranquilo !… Un momentito…
    Une seconde tête apparut près de la première. Un camail la coiffait dont les plis dentés couvraient l’homme jusqu’aux épaules.
    – Ami, que querez-vous céans ? demanda le nouveau venu.
    Tristan leva la bannière de Castille et Cabus celle de León :
    – Vous connaîtrez ma quête, messire, si je puis en aviser le roi Pèdre devant vous.
    Puis, réflexion faite :
    – Messire Henri m’envoie par-deçà pour savoir si le roi Pèdre se rendra à lui, car s’il voulait se rendre, il aurait merci de lui. Quelque chose qu’il ait faite, il ne recevra pas la mort.
    « Je mens », se reprocha Tristan. « Je mens outrément. »
    Il reprit, la sueur au front :
    – On lui donnera un duché dont il s’aidera et par un certain accord, l’amitié durera entre lui et son mains-né.
    Le viaire de son bassinet tombait. Lâchant les rênes, il le releva tout en se reprochant d’avoir évoqué d’une voix sans persuasion cette amitié mensongère alors que les deux « frères » se vomissaient sans espérance de réconciliation. Il tapota l’encolure de Favor al Rey qui commençait à danser, incommodé par le soleil et quelques mouches.
    – Pèdre n’est pas céans ! cria l’homme. Il est allé quérir du secours. Il sera tel, bientôt, qu’il grèvera Henri. Ce diable de Bertrand mourra… Nous conserverons ce châtelet. Nous y avons des vivres en suffisance.
    – Oyez, messire !… Je ne vous cuide 88 pas. Nous savons tous : vous, moi et les autres que le roi est en ces murs !
    – Cuidez ce que vous voudrez !
    Les trois hommes firent demi-tour, sans hâte, sentant les embrasures des merlons se garnir peu à peu, à mesure qu’ils descendaient la pente.
    – Échec ! enragea Paindorge. Or çà, messire, je m’y attendais.
    – C’est peut-être lui qui nous a parlé, dit Tristan.
    – Que ferais-tu à sa place ? interrogea Cabus, sa bannière sur l’épaule.
    – Je n’en sais rien… ou bien si : je m’apprêterais à mourir.
    *
    – Je ne vous en veux pas. Comment vous en voudrais-je ? Il est à Montiel, dit Henri. Je le sens.
    – Je le sens aussi. Nous pouvons les avoir par la seule famine. Mes deux compagnons, sire, en sont également assurés.
    Tristan offrit sa bannière à l’un des ricos hombres qui, avec le prétendant et Guesclin, étaient venus à leur rencontre. Paindorge et Cabus en firent autant avant de mettre pied à terre.
    – Il sait que nous le savons à Montiel. Il gagne du temps.
    – C’est ce que je pense, sire, dit Tristan.
    La déception de Don Henri ne l’étonnait point. En revenant vers le village et le logement des Castillans et des Français, il l’avait imaginée. Seul Guesclin souriait : on eût dit qu’il avait tout

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