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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fantômes et deux mulets bâtés s’arrêtèrent, le temps que Pèdre eût franchi la brèche.
    – Montez sans bruit, enjoignit Pèdre à ses compagnons. Je m’en vais enfourcher…
    Il plaça ses mains sur le pommeau et l’arçon d’ivoire et posa le pied sur l’étrier. Il prenait son élan quand le Bègue bondit et le ceintura des deux bras :
    – Par saint… saint Eloi !… Je ne sais qui… qui… qui… vous êtes mais vous ne vous en irez p… p… pas que vous n’ayez payé à mon vouloir !
    Le Bègue retenait le roi violemment : il ne pouvait se mettre en selle.
    – Vous ne partirez pas mes… messire, tant que je ne saurai pas qui vous… vous êtes et ce que vous allez quérir avec vos… vos hommes.
    « Menteur ! », hurla Tristan au-dedans de lui. « Vil menteur ! »
    Moradas de Rouville et Copin, son compère, se précipitèrent, l’épée haute, sur les suivants du roi qui s’étaient mis en défense. Pèdre tira sa dague, leva la main, mais le Bègue, prompt, se fâcha :
    – Allons, messire, obéissez… Vous n’êtes pas en état de m’occire…
    Et tandis que Pèdre plongeait sa lame dans son fourreau :
    – Je ne sais, mes… messire, si vous êtes roi, che… che… chevalier, baron ou écuyer, mais mais je puis, moi, vous mettre à mort… Rendez-vous. N’y faites p… p… point de retard. Dites-moi votre état. Ne me le cachez pas.
    Il bégayait à peine. Si peu qu’il l’eût vu et ouï, Pèdre le reconnut :
    – Ah ! Bègue gentil… Je me rends à votre nom et votre commandement… Je suis le plus mal heureux dont nul n’ait ouï parler en fable ou en roman depuis deux cents ans passés. Je suis nommé le roi Pedro par les grands et les petits. Or, je ne serai plus roi selon mon escient, car je vois bien qu’il me faudra mourir en brief temps.
    – Ah ! Sire, dit le Bègue, ne le redoutez pas. Votre sage frère aura pitié de vous. Tous l’en prieront.
    – Ah ! Bègue, répondit le roi, ce ne vaudra pas un denier. Ce chien mâtin de bâtard me mettra à mort. Mais si vous voulez sauver ma vie en ce moment-ci, je vous donnerai quatre cités, douze grands châteaux et vous chargerez d’or douze mulets qui vont à l’amble !
    – Nenni Pedro, dit le Bègue. Je ne pense pas à ce-ce cela. J’aurai toujours suffisance d’or. Jamais je ne ferai tra… trahison ou n’y serai consentant !
    Guesclin, sur l’entrefaite, approchait à pas lents. Pèdre le vit et reprit espoir :
    – À cheval, messire Bertrand. Enfin, vous voilà !…
    Je vous regracie de votre bienveillance. Il est temps de partir comme convenu !
    Nulle réponse ne vint du Breton : il souriait, bras croisés. On l’eût pu comparer à un gros chat noir devant lequel se fût fourvoyée une imprudente souris.
    Immédiatement inquiet, Pèdre fit un mouvement pour sauter en selle et traverser en hâte le campement. Il fut entouré. Villaines saisit cette fois Percefer au frein :
    – Roi, vous ne pouvez rien car nous sommes en nombre.
    – Bertrand, si vous me laissez aller…
    – Nous ne le pouvons, dit Guesclin.
    Il recula. L’obscurité l’absorba.
    – Traître, grommela Pèdre, simplement.
    Le vicomte de Roquebertin apparut, fervêtu du colletin aux jarrets. Son ébahissement était-il feint ou sincère ? Était-il oui ou non dans la conspiration ?
    – Bègue, dit-il, vous aiderai-je à mener ce tapin ? Je le saurai bien tenir et mener par un bon chemin.
    Voulait-il sauver Pèdre ?
    – Nenni ! protesta Villaines. Il… il ne me faut… nul secours en voie ni en chemin !… Ni de vous, ni… des… des vôtres, ni d’hommes de votre lignage pour… pour… tenir un homme. Par ma foi, s’il y en avait deux, je n’en donnerais un denier !
    – Bègue, dit Roquebertin qui s’échauffait devant tant de suffisance, vous savez moult fallaces. Vous n’avez pas pris le roi Pedro en combat mais vous l’avez saisi de nuit ainsi qu’un larron ! Pedro a bien été trahi par fausse amitié et ruse !
    Tout en reconnaissant qu’il l’avait méjugé, Tristan admira le vicomte : il avait de l’audace et disait juste. Quelque accoutumé qu’il fût à recevoir des traits sans broncher, le Bègue se regimba :
    – Mes… Messire !… Si vous me voulez… ac… ac… accuser de trahison, je m’en purgerai tôt avec un bon bran d’acier 116  !
    – Nenni !… Je sais ce qu’on raconte. Celui-là n’aime pas sa vie qui se prend de querelle avec

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