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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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désire, qu’il… vienne céans d’un… d’un galop. Fais tout à sa volonté. S’il voulait prendre à merci le roi son… son frère, ce ne serait que bien qu’ils soient bons bons amis. Car celui-là est trop sage qui ne s’est jamais mépris.
    Tristan imagina le gonfanonier courant dans le camp, parvenant, haletant, devant le pavillon de Don Henri, hurlant aux gens du guet qu’on le laissât passer, entrant sous la toile et s’agenouillant devant le bâtard du roi Alphonse : «  Noble roi, soyez réjoui : Pèdre a été pris par monseigneur de Villaines. Il vous mande que s’il vous plaît on l’amènera par devers vous… Si votre plaisance et votre dessein étaient de vous accorder avec Pèdre, cela siérait assez bien aux grands et petits, car celui qui ne se méprend est par trop subtil. » Et Henri de répondre  : « Je m’habille et je viens. » Puis de passer sur son corps un haubergeon de mailles fines et de ceindre sa dague et son épée.
    Tristan comme les autres attendit. Pèdre ne disait mot. Tel un tigre ou un lion qui va sauter, il amassait, le dos rond, toutes ses forces. Un clin d’œil signifia : « Toi, je te reconnais. » Tristan acquiesça. Comme elles étaient lointaines, leurs rencontres de Séville et de Nâjera !
    Il n’éprouvait rien pour cet homme. Ni admiration pour son courage – ou sa résignation sans doute feinte – ni compassion. Les circonstances de son arrestation lui paraissaient exécrables, même à l’égard d’un roi aussi mauvais, aussi sanguinaire – autant que son frère Henri. Ce manquement aux règles de l’honneur, ce mépris de la belle et bonne justice et, pour tout dire, cette trahison ne le surprenaient pas de la part d’un homme aussi retors que Guesclin, toujours absent. Au lieu que sa réputation fût celle qu’il méritait et qui eût dû le desservir, celle qu’on lui faisait sans jamais l’avoir vu dans ses œuvres, le poussait vers une gloire usurpée 119 .
    « Pauvre Pèdre ! »
    Il méritait la mort pour l’avoir tant et si atrocement donnée, ne fût-ce que celle de Blanche de Bourbon. Et pourtant lui, Tristan, se sentait miséricordieux à l’égard de cet homme qui, se sachant inexorablement assiégé, avait pensé par expérience : «  Tous les êtres s’achètent. » Et Guesclin en avait délibéré avec ses compères : «  On va lui faire accroire qu’on protégera sa fuite… Et on l’arrêtera avant qu’il ne l’ait commencée. » Le Breton toucherait le prix d’une aide fallacieuse et son trésor de guerre serait doublement grossi : par ce que lui avait apporté naïvement Pèdre, sur deux mulets, et par la récompense sans doute équivalente de son maître avéré : Henri !
    On entendit un galop et des cris. C’était lui sans nul doute.
    Il se fit, dans l’attente du prétendant au trône, un silence moins respectueux qu’attentif. Tristan songea que tous ces traîtres dont le nombre augmentait étaient sans doute penauds et marris de leur félonie. Il vit Gilles de Boisset apparaître. Il était couvert d’un manteau de drap fourré d’hermine : un présent de Don Henri lorsqu’il avait appris la bonne nouvelle. Puis Henri lui-même se montra. Les capitaines s’écartèrent devant ce vainqueur sans mérite enveloppé de fer autant que de mystère.
    Les deux frères ne s’étaient pas approchés depuis quinze ans. Cependant, avant même d’avoir dévisagé son rival, Henri considéra de tout son haut les mercenaires qui l’avaient si bien servi. Un sourire décolla ses lèvres sous ses moustaches incultes :
    – Où est ce bâtard, ce Juif qui se prétend roi de Castille ?
    Il fallait un prétexte pour susciter une querelle meurtrière et Henri employait la prétendue juiverie de Pèdre comme une suprême insulte. Cabus, qui se trouvait devant le roi, tendit l’index vers le prisonnier derrière lequel s’étaient groupés ses amis.
    – Voilà votre ennemi, sire.
    Henri croisa les bras, souverain avant d’avoir reçu l’onction et la couronne.
    – Ah ! Voilà ce traître, félon, faux larron et Juif qui m’a fait tant de maux !
    La réponse vint en écho de ces invectives, tout aussi cinglante, royale :
    – Tu sais bien que tu mens, bâtard ! Je ne suis point traître, mais tu l’es, je te le dis, car tu as régné contre moi comme un Antéchrist.
    À peine le dernier mot sortait-il des lèvres de Pèdre que le prétendant tirait sa dague. Villaines retint

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