Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
vous.
    – Certes !… Alors, taisez-vous et demeurons amis !
    « Roquebertin est un couard », songea Tristan. « Un couard honnête, mais un couard !… Que le Bègue dise un mot de trop à mon escient : je tire Teresa du fourreau et l’estoque ! »
    Mais c’eût été trop beau. Villaines eût sans bégayer exprimé les arguties d’usage en cette occurrence afin de ne point le combattre : l’âge, la fraternité d’armes, le mauvais exemple fourni à leurs compagnons, Dieu, la Chevalerie. Sans doute un jour, la Justice de l’Éternel s’abattrait-elle sur sa personne 117 .
    La première maison n’était qu’à quelques toises. C’était celle qu’avaient choisie pour gîte Villaines et Yvon de Lakonnet, un chevalier d’aventure dont Tristan ignorait tout. Poussant Pèdre par l’épaule, sans ménagement, le Bègue se dirigea vers elle. Les autres prisonniers suivirent, résignés, sans échanger le moindre mot : les guisarmiers de Villaines, sans doute prévenus par Guesclin, les entouraient, l’arme prête au meurtre à tout mouvement suspect.
    – Je les suis, dit Tristan. Reste-là, Robert.
    – Messire !… Ce n’est pas de votre ressort !
    Tristan, d’un geste, effaça ce reproche. Il était ulcéré sans être ébahi : Villaines valait bien Guesclin pour ce qui était de faillir à l’honneur.
    Derrière les captifs, proches de Percefer, les chevaux suivaient. Et les deux mulets plus entourés que les hommes. Et pour cause.
    – Est-ce le logis de Lakonnet ? demanda Tristan à un picquenaire.
    – Certes, messire, mais il l’a prêté au sire de la Houssaye qui a fourni les regards 118 .
    Ainsi, tout avait été minutieusement pourpensé : Pèdre ne pourrait jamais échapper au piège qui s’était refermé sur lui. Ses quatre compagnons ne disaient mot : ils se savaient perdus, eux aussi. Tous étaient les témoins d’une turpitude commise par les Français pour l’avènement d’un roi dépourvu de majesté.
    Sans façon, le Bègue poussa Pèdre en la demeure où Eustache de la Houssaye les attendait en compagnie de son frère, Alain, qui vivait dans son ombre. Voyant le roi, le chevalier se mit à sautiller de joie comme un chien qui ne peut happer une friandise trop haut placée, mais qui sait aussi qu’elle s’abaissera. En fait, c’était lui, Eustache, qui s’abaissait.
    – Ah ! Bègue, s’écria-t-il, tudieu !… Qui vous a pourvu de cette très noble étrenne ? Tel chasserait vingt ans en forêt qu’il ne prendrait pas si haute proie… Vous avez bien trouvé couteau pour votre gaine. Qui croupit en sa maison n’aura jamais que peine ; il n’aura aventure qui le mène à honneur.
    – Honneur ! s’exclama un compagnon de Pèdre. Comment osez-vous parler d’honneur ?… Nous venions délibérément au village sur la promesse de Bertrand Guesclin d’obtenir le passage !
    – Oui ! fit son compère tandis que Senabria et Castro restaient cois, comme assommés debout par leur malaventure.
    Les deux protestataires étaient vêtus en bourgeois : chaperon, pourpoint, chausses et heuses noirs.
    – Qui êtes-vous ? demanda le médiocre Alain de la Houssaye.
    – Raoul Helmelade ou Raoul Elme, qu’on dit le Vert Écuyer.
    –  Le vert porte malheur… Qui es-tu ? Un Goddon ?
    – Anglais… si cela ne vous écorche pas la langue.
    – Et toi, le petit gros ?
    – Je ne vous répondrai que quand vous me direz vous.
    –  Et vous, messire ? demanda Tristan avec un respect grossi par la volonté de déplaire au Bègue et à ses complices.
    – Jacques Rollans, écuyer.
    – Français ?
    – Et si c’était ? Je me suis vendu à Pèdre. Vous l’êtes à Henri. Achetés comme moi. Nous sommes quittes.
    Eustache de la Houssaye ne dansait plus : il trépignait.
    – Si vous voulez m’en croire, dit-il, tout chevaliers que vous êtes, fermez vos grandes goules. Vous êtes nos prisonniers ni plus ni moins.
    La maison était sombre. On alluma des torches. Tristan aperçut une table, un lit, une escabelle.
    – Gilles ! cria le Bègue.
    Un homme franchit le seuil : Gilles de Boisset, le porte-bannière du Bègue, aussi servile qu’il était hautain sitôt éloigné de son maître, aussi petit que le Bègue était grand.
    – Cours prévenir le le… roi Henri au cas où Bertrand… ne ne l’aurait fait. Dis-lui que nous te… te tenons son ennemi. S’il le veut, on le lui mènera en sa sa riche tente, mais s’il le

Weitere Kostenlose Bücher