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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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juramento
    El Cid al rey castellano
    Sobre un cerrojo de hierro
    Y una ballesta de palo 142 …
    –  Merde ! dit Paindorge à voix basse. Ils chantent une chanson à la gloire du Cid… Ces linfars n’ont point de vergogne !
    – Eh oui, Robert… Mais je m’aperçois que tu commences à savoir l’espagnol juste au moment où nous quittons ce pays pour toujours.
    – Nous n’avons pas de Cid en France.
    – Il a eu pour compère un chevalier de chez nous : Rotrou III le Grand 143 .
    – Qui vous a dit ça ? Pedro del Valle ?
    – Oui… Pour honorer son courage, Alphonse le Batailleur lui a fait don d’une moitié de la cité de Saragosse.
    – Moi, je préfère Villerouge !
    – Et moi donc !
    Les chevaux piétaient silencieusement. Quand ils eurent parcouru de cent à deux cents toises, ils allongèrent leurs foulées. Bientôt, d’un même accord, ils prirent le galop.

 
     
     
     
     
     
     
     
DEUXIÈME PARTIE
 
 
À LA GRÂCE DE DIEU

 
I
     
     
     
    C’était la dernière montée, celle qui par Mouthoumet rejoignait Villerouge en traversant Laroque-de-Fa et Félines-Termenès. Un ultime effort pour deux vaillants roncins qu’il allait falloir ferrer dès qu’ils auraient passé la nuit sur une épaisse litière.
    – Mon cœur me fait souffrir, confia Tristan à Paindorge.
    – Je le comprends. Je me dis que c’est un miracle que nous nous trouvions ici sains et saufs.
    – Il fallait, comme nous l’avons fait, noqueter 144 en nous fiant aux étoiles. Si, de jour, nous étions tombés dans n’importe quelle embûche, nous serions morts. Ce fut aussi pénible pour nos chevaux… qui ont mieux mangé que nous… Mais nous y voilà presque.
    – Nous ne sommes que des fantômes de guerriers sauvés par la Providence.
    – Tu l’as dit : un chevalier d’aventure et son écuyer, mais plutôt que de nous être enrichis, nous revenons pauvres comme Job. Pèdre était un malicieux : ta bourse providentielle ne contenait que des maravédis…
    – Je suis presque tenté de dire : « Le pauvre ! » Et vous avoue qu’à tant chevaucher, j’en ai plein le cul !
    – Le mien ressemble au tien. Quant à nos bras, ils ont mouliné si dru, si fort l’épée à Montiel, que nous allons être à joc (392) pour quelques semaines…
    Tristan soupira.
    – Oui, deux fantômes aventureux, Robert, tu l’as bien dit !
    Il n’entachait pas cette appellation d’une signification défavorable. Mieux valait courir l’aventure comme ils l’avaient fait par contrainte que de courir la rapine. Il existait des aventureux nobles – ou que leurs appertises 145 avaient ennoblis. C’était pourquoi il éprouvait une tendresse de cœur et une admiration solide pour le Cid dont il avait çà et là ouï les prouesses ; pour Tiercelet, ce manant qui lui avait sauvé maintes fois la vie sans qu’il l’eût payé de retour ; pour Calveley et pour Argouges… Et Jésus ? N’avait-il pas, à sa façon, cherché l’aventure et gagné toutes ses batailles -sauf, évidemment, la dernière ?
    À dire vrai, Paindorge et lui avaient dilapidé leur vigueur et consacré leur esprit et leurs espérances à de grands desseins qu’ils n’avaient point conçus et qui ne les concernaient pas. Comme la plupart des hommes d’armes, des Grands jusqu’aux infortunés requis du ban et de l’arrière-ban, ils avaient été contraints d’accepter les obligations de l’ost pour y subir bon gré mal gré des épreuves nullement indispensables à l’accomplissement de leur perfection. Désormais, c’en serait fini des servitudes et de l’obéissance à des chefs indignes de respect et de confiance.
    – Il fallait sans doute que nous en passions par là pour nous sentir l’esprit solide et – comment dire ? -la conscience épurée.
    – Tu dis vrai, Robert. Une existence heureuse et uniforme nous aurait peut-être amoindris et rendus mélancolieux. Cependant, j’ai de la vergogne et du regret de ce que nous avons vu et fait. Nous avons mérité le repos, la quiétude. Nous allons vivre… Vivre parmi des hommes dont certains n’auront rien connu de plus terrible qu’une brûlure, une écorchure à la main ou un saignement de nez… Quant aux femmes, elles sont accoutumées au sang.
    Plutôt que de contempler le grand pays du Termenès qui pourtant resplendissait au cœur du printemps, Tristan regardait en lui-même. Il y voyait Maguelonne. Il découvrait ou redécouvrait ses rancunes,

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