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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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relief. Il eut un bref sourire, étrange et bénévole :
    – Or, même s’il est usé, j’ai un cœur. C’est lui plutôt que mon esprit qui me dicte ma conduite.
    Frère Auguste soupira. Quelque consentant qu’il fût à parler, il éprouvait des réticences. Tristan se sentit considéré attentivement. Cet examen confirmant son impression première, le moine enfin cessa ses circonlocutions.
    – Je vous dirai la simple vérité, messire. Le jour où cela s’est passé, Augusta, je ne sais comment, a surpris les bruits d’une discussion entre l’épouse de votre père et leur fils… dont ma sœur attribuait d’ailleurs la paternité à un autre que Thoumelin de Castelreng.
    Sous la cendre des cils, les yeux vivaient à peine et le peu qui vivait s’imprégna d’une nébuleuse méfiance.
    – Ils disaient que ce serait un bienfait d’avancer la mort de cet homme puisqu’il trépasserait dans quelques semaines. La femme a révélé : «  J’ai ce qu’il faut. » Le jouvenceau a dit : «  Je le ferai. » Et c’est quand la dame de Castelreng a dit à Augusta : «  Porte à messire Thoumelin son gobelet de vin chaud  » et quand ma sœur a refusé que la dame s’est doutée que son forfait était éventé. «  Alors  », a dit le fils, «  je lui porterai cette boisson moi-même. Suivez-moi, ma mère. » Augusta s’est enfuie sachant que votre père mourrait. Elle ne le pouvait prévenir… Il faisait nuit. Elle s’est mussée dans les haies quand elle percevait un galop… et à l’aube, elle était à Saint-Hilaire. Le prieur lui a accordé de me voir au parloir. Elle m’a tout dit… Je ne pouvais la retenir de parler… J’ai su que mère et fils avaient des mœurs… horribles… Je lui ai conseillé de chercher refuge à Rieunette…
    Le visage débiffé se pencha. Le regard bleu à la flamme éteinte et le sourire cénobitique disparurent de la vue de Tristan, le temps que frère Auguste essuyât de son pouce une larme.
    – Je me dois, dit Tristan, de venger votre sœur.
    – Mon devoir est de vous le déconseiller.
    – Je suis le restorier 162 de mon père et d’une fiancée que j’ai eue et que cette femme a poussée à la male mort…
    Tristan s’interrompit tant l’irruption d’Oriabel dans sa mémoire était inattendue.
    – Mon père, Thoumelin, puis mon ancienne fiancée, puis votre sœur… Cette triple vengeance est une nécessité… Acier ou poison ?
    – Que voulez-vous dire ?
    – Que ceux qui m’ont fait du mal devraient périr par l’un ou l’autre.
    Une pincée du poison contenu dans le pommeau de son épée tolédane, et c’en serait fini du couple incestueux. Or, comment faire ? De quelque façon qu’il dût la perpétrer, il abhorrait cette façon de rendre sa justice : le poison, c’était la malignité. Celle-ci n’était point dans son caractère.
    – Point de scrupules, mon père, dit-il. Ils sont le chiendent des consciences. J’en ai trop usé dans ma vie. Cette fois sans gauchir je passerai aux actes.
    Le bénédictin acquiesça. Pour lui aussi, la mansuétude avait des limites. Ils comprirent tacitement qu’ils devaient se séparer.
    – Mon père, ne priez point pour moi. Priez plutôt pour le repos de l’âme de votre sœur…
    De l’index, le clerc effleura l’échiquier de pierre. Toute son existence immobilisée dans la foi et la beauté des affections pures parut soudain frémir sous sa chair comme si elle se remettait en marche. Ce fut un moment de contention bref, pénible, ensuite duquel Tristan reçut en pleine face un regard presque cruel :
    – Faites de votre deuil une force, et non une faiblesse, messire. Oh ! Je sais que mes propos ont de quoi vous ébahir, mais pardonner au crime, c’est l’encourager… Dieu vous garde.
    Tristan n’en demandait pas davantage.

 
III
     
     
     
    Revenir à Villerouge pour repartir le lendemain à Castelreng eût été une fatigue et une perte de temps inutiles.
    – Allons-y, décida Tristan au sortir du moutier.
    – Où ? demanda Paindorge.
    –  Chez moi.
    Les hommes sautèrent en selle et suivirent.
    Il fallait passer par Limoux avant de s’engager sur des chemins que Tristan retrouva sans déplaisance. Encore indécis sur la façon dont il mènerait son action, il restait silencieux, attentif aux bruissements des feuillages, à la couleur des champs, à la rigueur des vignes appauvries par l’hiver et quelques orages. Parler n’eût fait

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