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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sur lui, c’était avec la sensation d’une brûlure. Il souhaitait régner, lui aussi, ce bec-jaune ! Il y avait à Castelreng une place pour lui et non point celle de dauphin. Sans doute s’enflammait-il à l’idée de s’installer définitivement, au donjon, dans la cathèdre du défunt Thoumelin.
    Cette flamme invisible, communiquée à la sensibilité de Tristan, attisait sa soif d’action. Il la refoulait, pourtant, espérant que la nervosité d’un des convives donnerait nécessairement le signal de la mêlée. Aliénor, qui eût pu se furibonder la première, prit une voix sucrée, humectée d’un repentir dont la fausseté fit sourire son fils :
    – Tout pourrait recommencer à condition que tu le veuilles.
    – Ah ? fit Tristan faussement ébahi tandis que sa langue s’engluait d’un fiel qu’aucune rasade de vin ou de lait n’eût pu délayer.
    Il la regardait, lui cherchant des imperfections. Il vit poindre sur son front cette moiteur minuscule qui révélait une peur maligne, mal conjurée : celle d’une tarentule dont la toile encore fragile eût frémi aux souffles d’une imminente tempête.
    – Au fond, dit-elle enfin, Castelreng t’appartient aussi.
    – Non ! hurla Olivier. Non, mère, il est à nous !
    Tristan s’interdit de se tourner vers lui : c’eût été accorder à ce petit ruin 166 trop d’importance. Il l’imaginait, cependant, la tête avancée, blême, tremblant d’indignation et puisant dans la croyance en sa vigueur d’adolescent capable d’enconner une femme une illusion de sublimité.
    – Tout doux, suggéra mollement Aliénor, les sourcils froncés en direction de son fils… Oui, mon cher, nous pourrions recommencer comme avant.
    Tristan la gratifia d’un sourire de compassion aussi mensonger que son offre. Le ton qu’elle venait d’employer s’était empoissé d’une mélancolie dont l’efficacité n’exerçait plus aucun pouvoir sur lui. Naguère, pour affermir son pouvoir, elle usait parfois du même langage sirupeux. Il avait aimé, respiré son odeur, cueilli sa voix sur ses lèvres et ses soupirs dans l’alcôve d’arbres et de fougères où elle aimait à l’emmener. Après quelques semaines vouées aux ardeurs du corps, les songes de la chair et les méditations hardies, elle lui avait annoncé doucement : «  Je suis grosse. » Il avait seize ans, elle vingt. «  Depuis quand ? » « Deux mois, je n’osais pas te le dire. » Se pouvait-il qu’il l’eût aussi vélocement engrossée ? Il ne l’avait pas crue et il avait raison !
    –  Avant ? dit-il à voix basse, penché si près de l’oreille d’Aliénor qu’il pouvait la mordre. Avant, où que nous allions, lorsque tu appuyais ton menton sur mon épaule, tu regardais du côté de Castelreng. Car l’objet de ta convoitise, ce n’était pas moi, mais lui, ce châtelet où tu es entrée par malice.
    Il vit la petite main veloutée comme un ventre d’hermine saisir le manche du couteau.
    – Je te déconseille un mouvement de trop… Lâche-le.
    La sueur froidissait l’échine de Tristan. Ses yeux volaient d’un convive à l’autre jusqu’à Olivier songeur, fort de l’ascendant qu’il exerçait sur sa mère et qui était comme elle bien trop avisé pour que, même prompt, l’examen des visages des trois autres intrus ne lui fît pas tout deviner.
    – Messire… Tristan, commença le blondinet, je crois que vous n’êtes pas le très bienvenu. Pas vrai ?
    Pour conclure, il s’était adressé à Paindorge. Il saisit son hanap et le leva comme pour lui porter la santé. Sa dextre tremblait tellement qu’un peu de vin s’épancha sur la table.
    – Ma mère veut vous voir guerpir. Qu’attendez-vous ?
    La nuit semblait s’être substituée à l’éclat des yeux que la fureur et la méfiance rendaient immenses.
    – Damoiseau, dit pesamment Tristan, ta parole est vaine. Tu n’es qu’un bâtard en lequel ne coule aucune goutte du sang des Castelreng. Ce n’est pas moi qui suis de trop céans. C’est toi.
    Il se sentit dardé par un regard dont la haine, plutôt que de l’incommoder, lui fournit un plaisir si bref mais si entier qu’il se mit à rire.
    – Sache-le, malebouche : je ne suis pas un mouton qu’on égorge. Et tu es trop petit pour atteindre mon cou.
    Il défiait les autres, à présent. Il les découvrait attentifs et comme consternés par la dépréciation qu’il venait de commettre à l’égard de leur roitelet. Ils

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