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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’Alazaïs s’était languie de l’absence de Paindorge et que Sibille s’était entichée de Lebaudy. Tous ces propos l’avaient laissé indifférent : il ne songeait qu’à sa vengeance. Il la voulait immédiate.
    « Demain !… Nous partirons au lever du jour pour Saint-Hilaire. Pourvu que frère Guillaume y soit présent ! »
    Il ne put dormir. Pourtant « Spartiate » selon Clinquant de Limoux qui répugnait aux macérations, la literie lui parut trop moelleuse. Il écouta les murmures nocturnes avec autant de contention que lorsqu’il cheminait en Espagne, tant dans l’armée que pendant sa revenue en France. À force d’avoir été exposé à des menaces de toute sorte, il ne pouvait se guérir d’une inquiétude inégale mais constante. Aggravant cet état de veille, il y avait Castelreng et sa reconquête. Son père mort, Aliénor, son fils et les gens que cette reniée 157 avait dû choisir pour se garder du moindre danger. Comment sévir ? Après quelles précautions ? Il n’éprouvait aucune tristesse envers Thoumelin, son père : il s’était laissé abuser. Tous ses bons sentiments, il les réunissait sur Maguelonne. Il eût donné volontiers sa vie pour la sauver d’un péril. Désormais, ses devoirs envers elle primaient tous les autres. Il allait vider Castelreng de ses intrus et l’épurer de ses crasses afin qu’elle y entrât de plain-pied, définitivement. Il savait que cette purgation comportait un corollaire : une fois ce nettoiement accompli, pourraient-ils enfin vivre en paix ?

 
II
     
     
     
    Par Termes, Lairière, Clermont-sur-Lauquet et Greffeil, ils atteignirent Saint-Hilaire à la relevée 158 alors qu’ils étaient partis à l’aube crevant, quand le hibou bouboulait encore. Par des sentiers herbus et souvent à travers champs, ils avaient tracé leur voie en évoquant parfois la pierraille et la poudre des chemins d’Espagne.
    Tristan avait retrouvé Alcazar. Après quelques moments de stupeur, le blanc coursier s’était mis à hennir avec joie et à ruer au risque de démolir quelques planches de sa parclose. Il amblait et galopait toujours avec cette souplesse, cette harmonie qui le rendaient incomparable. La tête fière, l’œil serti de longs cils toujours attentif et comme en quête d’aventures, Alcazar avait la même vivacité, sans doute, que le Percefer de feu Pedro de Castille. Henri, l’usurpateur, avait dû se l’approprier, à moins que Guesclin ne l’eût devancé.
    Paindorge avait emprunté le cheval de Pierre Massol : un liard à tête fine, robe soyeuse et reins solides. Lemosquet chevauchait Nestor et Lebaudy Babiéca. Les quatre hommes s’étaient vêtus en bourgeois sinon en manants. Leur épée démentait leur allure débonnaire. Chacun, parfois, se demandait s’il faudrait qu’il en fît usage. Tristan se répondait affirmativement. Plus il imaginait l’ébahissement et la crainte suscités par son irruption à Castelreng, plus il était convaincu que tous les hommes qui partageaient l’existence d’Aliénor feraient en sorte que ni lui ni ses satellites n’en ressortissent vivants.
    Ses compagnons parlaient peu. Il leur en savait bon gré : il sentait dans les replis de son crâne les premières atteintes d’une migraine et savait qu’elle ne se résorberait que dans l’action. S’il s’était courroucé, la veille, en apprenant le trépas de son père, il était entré, peu avant l’aurore, dans la phase doucereuse d’un repos dont il ne ressentait plus les bienfaits. Aliénor lui semblait moins redoutable que son fils. L’aversion qu’il nourrissait envers ce jouvenceau ne cessait de se parfaire.
    « Justice… Je ferai justice ! »
    Le temps le précipitait dans l’aventure. Aux nues fleuries de l’avrilée succédait l’azur léger de mai. Après la dureté des terres espagnoles, l’afflux des feuilles, des herbes, des mousses, outre qu’il rafraîchissait son corps, rendait son esprit plus clairvoyant. Oui, le sang coulerait. Il avait dû occire à la guerre des gens qui ne lui avaient rien fait, avec lesquels, même, il eût pu se lier d’amitié ; il allait sans doute être obligé d’en exécuter avec rage et plaisance.
    – Nous y voilà, dit-il à ses compères.
    Sise dans la vallée du Lauquet, l’abbaye bénédictine de Saint-Hilaire offrit à leur vue, lors d’un cache-cache avec de petites collines, l’ensemble de ses bâtiments assez trapus que Tristan savait disposés

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