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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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subtilités de l’art équestre. Dans la cour, joignant le geste au commentaire, il lui apprit comment sauter par-dessus un cheval, comment le franchir ou sauter en croupe, comment s’agenouiller à l’emplacement de la selle, comment sauter à genoux sur l’arrière-main, comment, allongé, on pouvait maintenir serrée une encolure entre ses jambes, comment on pouvait se tenir debout tandis que la monture piétait ou trottait. Il se dit, ses démonstrations achevées, qu’il s’était peut-être évertué en vain. Or, son fils applaudit.
    – C’est assez pour mes-huy 211 , dit-il en le prenant dans ses bras et en le hissant sur Alcazar. Demain, je te montrerai autre chose.
    Dès lors, chaque matin, Hélie se familiarisa soit avec les chevaux, soit avec les armes. Aux démonstrations succédaient des leçons partagées avec Tristan, le fils de Paindorge, Espaing, celui de Lebaudy, et leurs compains. Il fallait s’approcher de Malaquin ou d’Alcazar, parfois de Flori ou de Coursan. Il fallait montrer du doigt le dos, le genou, la tête. Ensuite venaient les difficultés : où était le grasset, le paturon, la couronne, le fanon, le toupet, la cuisse. Hélie répondait le premier sans guère commettre de fautes.
    – À quoi reconnaît-on un bon cheval ?
    – La tête, Père, doit être légère, l’œil vif, les oreilles fines et remuantes, les lèvres minces.
    – Et encore ? Que t’ai-je appris ?
    – Les naseaux bien ouverts, les ganaches bien nettes.
    – Et encore ?… Je suis sûr que tu le sais !
    L’enfant pinçait les ailes de son nez, frottait ses lèvres l’une contre l’autre, cherchait, cherchait pour conclure craintivement :
    – L’encolure longue et bien découplée.
    Il savait qu’il n’en avait pas terminé et consultait ses fidèles du regard. « Quel homme ! » disaient ses yeux. Et Tristan se demandait si son père l’aurait approuvé d’enseigner à Hélie des choses qu’il eût pu apprendre plus tard.
    – Pourquoi, mon gars, nous as-tu vus, Robert, Girard et moi graisser les pieds des chevaux ?
    – Pas pour les amollir, Père, mais pour que la corne demeure en bon état.
    Des meschins et meschines les observaient auprès de leurs enfants grands et petits, hésitants ou peureux. Nul doute que certains, le cou tendu, les yeux écarquillés, enviaient Hélie, Espaing, Tristan le Jeune et leurs amis d’ouïr les leçons et les recommandations du maître – car s’ils étaient présents, Paindorge et Lebaudy intervenaient rarement. Plutôt que de susciter l’orgueil d’Hélie, cet auditoire le rendait craintif. Entre eux, les défavorisés, volontaires ou non, devaient commenter ses faits et gestes. Il se pouvait qu’ils ne lui trouvassent pas l’étoffe d’un fils de chevalier.
    « Qu’ils pensent ce qu’ils veulent », se disait Tristan, « il deviendra ce que je veux qu’il soit ! »
    Il ne se dissimulait point, cependant, qu’un soupçon d’anxiété contre lequel il se sentait démuni pourrait se convertir en angoisse : Hélie souffrait des poumons. Quelquefois, fortuitement, sa respiration cessait. Il suffoquait. Ses efforts pour recouvrer son souffle se lisaient sur son visage soudain pâli. Cela durait un temps bref, mais qui semblait destructif et interminable. Enfin, les couleurs revenaient ainsi que le sourire. Il avait été brièvement vaincu ? Il venait de rempoigner ses armes.
    Maguelonne commençait à redouter ces défaillances. Sans doute afin qu’elles disparussent, elle allait prier matin et soir à la chapelle. Or, Dieu, qui n’éprouvait aucune clémence envers les guerriers enchevêtrés dans les batailles, pouvait-il compatir aux doléances d’une mère ? Tristan n’osait lui reprocher de perdre son temps.
    – Cette dévotion est inutile, confia-t-il un matin à ses compagnons.
    – Elle croit bien faire, dit Paindorge, toujours bienveillant lorsqu’il s’agissait de Maguelonne.
    – Sa déception de ne pas voir l’état de votre fils s’améliorer, dit Lebaudy, la rend, elle aussi, malade.
    – Elle veut qu’un mire l’examine et le soigne.
    – Il y en a de bons… parfois, dit évasivement Paindorge.
    – Je n’aime pas la voir dolente. Elle a changé.
    – Alazaïs aussi, confessa Paindorge.
    – Sibille également, avoua Lebaudy.
    – Pourtant, elles sont jeunes… Toutes…
    – C’est peut-être, supposa Paindorge, la peur de nous perdre qui les rend ainsi.
    D’un œil, Tristan épia

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