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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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façon apaiser ses tumultes intérieurs et craignait parfois de s’en décharger injustement sur Hélie. Il ignorait comment suppléer à ce mal de l’esprit contracté peut-être à l’ost – encore qu’il en doutât puisque, hors des batailles et de leurs préparatifs, une sorte de bonne humeur se communiquait d’homme à homme dès que l’un d’eux entamait une chanson ou se mettait à conter des sornes. Il avait besoin de réconfort plus encore que de vaillance ; une vaillance différente de celle dont il avait usé et mésusé. Une autre que Maguelonne la lui eût-elle insufflée ?
    Certes, si elle avait vécu, son existence auprès d’Oriabel eût été différente. Mais en était-il si certain ?
    Les jours se succédèrent. Où le mèneraient-ils ?
    *
    Les nouvelles continuaient de circuler tant bien que mal. À peine avait-il su la mort de Tiphaine Raguenel que Tristan apprit, peu après ce décès, le mariage, à Montmuran, de Guesclin et de Jeanne de Laval. Le roi, en cette occasion, avait offert Pontorson à son connétable 199 .
    – S’il avait la cervelle un peu plus grosse qu’une noix, dit-il à Paindorge, il alléguerait qu’il aspire à vivre en sa chevance auprès de sa seconde épouse. Or, il lui faut du sang. Il doit prier matin et soir pour devoir galoper vers quelque nouvelle tuerie.
    – Dieu t’a exaucé ! Il s’en donne à cœur joie contre les Goddons de Bretagne. Il dispose d’une grande armée. Sa première percée a effrayé Jean IV de Montfort et réuni à l’entour de sa personne moult bons chevaliers. Ensuite, tandis que Bertrand s’en allait en Poitou, le duc s’est esclipé 200 pour la Grande Ile 201 . Le Breton a pris Nantes et le duc d’Anjou l’a mandé en Langue d’Oc. Ils sont passés à Saint-Sever, Mont-de-Marsan, Lourdes pour contraindre Gaston Phœbus à l’obéissance du roi 202 . On dit qu’ils veulent soumettre toutes les places à l’entour de Bordeaux jusqu’à La Réole et Auberoche.
    De la main, Tristan éloigna les propos de l’écuyer :
    – Oublions-les. Il fait beau. Nous sommes à la fin août. Je crois que nous aurons un assez bel automne.
    – Peut-être qu’un jour il n’y aura plus de guerre.
    – Je le souhaite ardemment, Robert, mais j’en doute. Les hommes sont ainsi faits – même nous -qu’il leur en faut pour apprécier petitement la paix 203 .
    – En attendant, insista Paindorge, le Breton qui avait commission du roi pour prendre et saisir la Bretagne y est entré efforcément… Quatre mille armures de fer à ce qu’on dit. Tous à cheval. Paraît que depuis sa victoire à Pont-Valain, il se prend pour le dieu Mars. S’il doit régner en ce duché, ce sera…
    – À la manière castillane !
    – Vous voyez : nous ne pouvons nous retenir d’en parler. Je suis certain qu’il pense à nous et que s’il nous pouvait nuire, il s’en pourlecquerait !

 
V
     
     
     
    L’année 1374 ne fut ni bonne ni mauvaise. « Plate », songeait parfois Tristan que l’uniformité des jours ne contristait pourtant point. Sans que rien ne lui fît craindre qu’il pourrait, une fois de plus, endosser son armure, le souci d’une mort précoce – il n’avait que trente-quatre ans 204 – commençait à le hanter. Il se « raisonnait ». Ni le roi ni Guesclin ni aucun des chevaliers qu’il avait côtoyés ne pouvaient imaginer qu’un des leurs, plutôt que de se rapprocher du roi, eût pris ses distances. Il n’était point bâti de la même chair et arrosé du même sang que ces ricos hombres !
    Hélie venait d’avoir quatre ans. Il fallait assurer son avenir et préalablement celui de Maguelonne. Celle-ci n’avait aucune dot. Lui donner Castelreng en douaire 205 s’imposait.
    Consulté, M e Isarn Roussarié, de Limoux, fit tabellionner l’acte. Il en donna lecture dans le tinel de Castelreng, en présence de Maguelonne, de Hélie et, comme il fallait des témoins, de Pierre Massol, Paindorge et Alazaïs, Sibille et Lebaudy, Antonia et Lemosquet. Il y avait aussi des clercs de Villerouge auxquels Paindorge avait remis une invitation et dont il avait assuré le voyage. Pour cette cérémonie, Tristan avait jugé nécessaire de revêtir le harnois de son père. Que les mailles en fussent ternies importait peu. C’était pour lui une façon de rendre un hommage posthume à son géniteur.
    Il trouva la lecture du document fastidieuse moins parce qu’elle était dite en vieil occitan que parce qu’il

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