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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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n’est pas Ferenghi.
    — Grands frères, persistai-je, je suis en train
d’essayer de comprendre ce que signifie Ferenghi.
    — Ferenghi veut dire Ferenghi, cracha Donduk, lançant la main en l’air avec
dégoût, ce que je fis moi aussi.
    Mais je finis par percer ce mystère à jour : Ferenghi était le résultat de leur déformation du mot « Franc » que leurs
ancêtres avaient dû entendre huit siècles plus tôt, aux premiers temps des
royaumes barbares, dont celui des Francs. Les Mongols s’appelaient alors
Bulgars et Hiung-nu, ou Huns, et ils envahissaient l’Ouest où ils allaient
laisser des traces : la Bulgarie et la Hongrie d’aujourd’hui dérivent de
leurs noms. Depuis ce temps-là, apparemment, les Mongols avaient gardé
l’habitude de dénommer tout Occidental Ferenghi, et ce quelle que fût sa
nationalité. Au fond, ce n’était guère plus erroné que de désigner tous les
Mongols par ce nom, alors qu’ils étaient eux-mêmes d’origines si diverses.
    Ussu et Donduk me racontèrent, par exemple, comment
leurs cousins kirghizes avaient vu le jour. Leur nom dérivait des deux mots
mongols «  kirk kiz  », qui signifient « quarante
vierges », parce que, à une époque très reculée, quelque curieuse que
puisse paraître cette affirmation à nos yeux contemporains, vivaient dans un
lieu solitaire ces quarante femelles vierges. Il advint que toutes furent
fécondées par l’écume flottant sur la surface d’un lac enchanté et qu’il en
résulta une grande quantité de naissances, dont le peuple kirghize est issu.
C’était plutôt intéressant, mais le détail suivant que me donnèrent Ussu et
Donduk sur ce peuple me passionna encore davantage. Ces gens vivaient dans la
région perpétuellement gelée du Sibir, très loin au nord de Kithai, et, par la
force des choses, ils avaient inventé deux méthodes ingénieuses pour s’adapter
à la vie sur ces terres éminemment inhospitalières. Ils fixaient aux semelles
de leurs bottes des morceaux d’os polis avec soin, sur lesquels ils pouvaient
glisser vite et longtemps sur les eaux gelées. En guise de variante, ils
avaient attaché à leurs pieds de longues planches de bois aplaties, comme
celles utilisées pour faire les tonneaux, afin de se déplacer avec légèreté sur
les surfaces neigeuses.
    Le village de fermes suivant sur notre parcours était
peuplé d’une autre race de Mongols encore. Certaines communautés, sur ce
tronçon de la route de la soie, étaient peuplées d’Ouïghours, ces nationalités
« alliées » aux Mongols, quand d’autres l’étaient de Han, or Ussu et
Donduk n’avaient jamais fait le moindre commentaire à leur sujet. Mais lorsque
nous arrivâmes dans ce village, ils nous indiquèrent qu’il était peuplé de
Mongols kalmouks et crachèrent d’un air dégoûté en prononçant ce nom, tout en
s’exclamant : « Kalmouks ! Vakh !  »,
interjection qui exprime chez les Mongols la répulsion universelle. De fait,
ces Kalmouks étaient passablement écœurants, il faut bien en convenir. Jamais,
à part peut-être en Inde, je n’ai vu créatures humaines plus repoussantes. Pour
ne citer qu’un aspect de leur crasseuse négligence, laissez-moi vous donner ce
détail : non seulement ils ne se lavaient jamais le corps, mais ils
n’ôtaient même jamais leurs vêtements, que ce fût le jour ou la nuit. Quand
l’un de leurs habits devenait trop abîmé pour remplir son office, plutôt que de
l’enlever et de le jeter, ils en enfilaient simplement un nouveau par-dessus et
continuaient ainsi à porter couche sur couche leurs innommables haillons,
jusqu’à ce que les plus anciens pourrissent graduellement et finissent par se
détacher pour tomber par l’entrejambe, telles d’infectes plaques de peau morte.
Leur puanteur, insupportable, défie la description.
    Mais ce nom de Kalmouk, je l’appris bientôt, ne
désigne ni une tribu ni une nation. C’est juste le mot mongol qui désigne une
personne sédentaire, qui s’installe à un endroit pour n’en plus bouger. Tous
les Mongols étant par essence des nomades, ils ont le plus profond dédain pour tous
ceux de leur race qui cessent d’errer et prennent racine quelque part. De
l’opinion générale, tout Mongol qui devient Kalmouk est voué à la
dégénérescence et à la dépravation. Et si les Kalmouks que je vis et sentis là
en étaient un exemple représentatif, alors je comprends fort bien le mépris
dans lequel on pouvait

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