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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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femme. Ses nerfs sont doués de moins de sensibilité, ses fibres sont plus dures, ses muscles plus vigoureux, ses os plus gros et plus solides. Est-il donc surprenant que la femme ait plus de tendance à ajouter foi au scélérat qui cherche à la tromper ?
    Wellmere, hors d’état en ce moment d’écouter la conversation avec patience se leva tout à coup et se promena dans la chambre, l’esprit évidemment en désordre. Prenant pitié de sa situation, l’aumônier, qui toujours en costume sacerdotal, attendait tranquillement le retour de César, fit tomber la conversation sur un autre sujet, et quelques instants après le nègre arriva. Il remit à Sitgreaves le billet dont il était chargé, car miss Peyton lui avait spécialement enjoint de ne la mêler en aucune manière dans la mission dont il était chargé. Ce billet rendait au docteur un compte succinct des divers objets mentionnés dans sa lettre, et annonçait que le nègre était porteur de la bague. Elle fut demandée et remise à l’instant même. Le front du docteur se chargea d’un nuage de mélancolie tandis qu’il regardait cette bague en silence, et oubliant l’endroit où il se trouvait et la cérémonie dont on allait s’occuper, il s’écria avec attendrissement :
    – Pauvre Anna ! ton jeune cœur était le séjour de l’innocence et de la gaieté quand cette bague fut achetée pour ton mariage, mais avant que le jour en fût arrivé, il plut au ciel de t’appeler à lui. Bien des années se sont passées depuis ce temps, mais je n’oublierai jamais la compagne de mon enfance !
    S’avançant alors vers Sara, il lui présenta la bague, la lui passa au doigt et lui dit sur le même ton :
    – Celle pour qui cet anneau fut destiné repose depuis longtemps dans le cercueil ; son amant la suivit bientôt, dans le tombeau ; recevez-le, miss Wharton, et puisse-t-il être pour vous le gage d’un bonheur tel que vous le méritez !
    Cet élan de sensibilité produisit sur Sara une impression profonde qui fit refluer tout son sang vers son cœur ; mais le colonel lui offrant la main la conduisit devant l’aumônier, et la cérémonie commença. Les premiers mots de cet office imposant produisirent un profond silence dans l’appartement, et le ministre après avoir adressé une exhortation solennelle aux futurs époux, reçut leurs promesses respectives de fidélité. Vint alors le cérémonial de la bague. Par inadvertance, et par suite de l’agitation du moment, elle était restée au doigt où le docteur l’avait placée. Cette circonstance occasionna un instant d’interruption, et pendant ce temps on vit paraître tout à coup au milieu de la compagnie un homme dont la présence arrêta tout à fait la cérémonie. C’était le colporteur. Ses yeux si timides naguère n’évitaient plus les regards des autres, mais jetaient autour de lui des regards égarés. Tout son corps était agité d’une émotion extraordinaire ; mais elle passa comme l’ombre d’un nuage chassé par un vent impétueux, et, prenant son air d’humilité profonde et de respect habituel, il se tourna vers le futur époux, et lui dit en le saluant :
    – Comment le colonel Wellmere peut-il perdre ici des moments précieux quand sa femme vient de traverser l’Océan pour venir le joindre ? Les nuits sont longues, la lune va se lever ; en quelques heures il serait à New-York.
    Interdit à ce discours soudain, Wellmere fut un instant décontenancé. La physionomie de Birch, quoique effarée, ne fit naître aucune terreur dans l’esprit de Sara ; mais dès qu’elle revint de la surprise que lui avait occasionnée cette interruption, elle jeta un coup d’œil inquiet sur les traits de l’homme auquel elle venait de s’engager pour la vie, et y lut la terrible confirmation de ce que le colporteur venait de dire. Tout ce qui était dans le salon lui parut à l’instant tourner autour d’elle, et elle tomba sans connaissance entre les bras de sa tante. Il existe dans la femme un instinct de délicatesse qui semble triompher un moment de toutes les autres émotions, quelque puissantes qu’elles soient ; cet instinct fit que miss Peyton et Frances emportèrent Sara dans un autre appartement, et les hommes restèrent seuls dans le salon.
    La confusion qui suivit l’évanouissement de Sara facilita la retraite du colporteur, qui disparut avec une promptitude qui n’aurait pas permis qu’on l’atteignît si l’on avait songé à le

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