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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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air doux, un ton mielleux ; couvre la trahison d’un voile décent ; fais porter au vice la livrée de la vertu.
    SHAKESPEARE. La Comédie des Méprises .
    La compagnie réunie dans le salon de M. Wharton se trouva dans une situation assez embarrassante pendant la courte absence d’une heure de César ; car telle fut la rapidité étonnante du coursier qu’il montait, qu’il fit ses quatre milles, et que les événements que nous venons de rapporter se passèrent pendant ce court espace de temps. Sans contredit les cavaliers firent ce qu’ils purent pour accélérer le cours de ces moments embarrassants ; mais le bonheur auquel on se prépare est certainement celui qui inspire le moins de joie. Les futurs époux en pareil cas ont pour mille raisons le privilège de n’avoir rien à dire ; et leurs amis en cette occasion semblaient disposés à suivre leur exemple. Le retard apporté à la félicité du colonel anglais semblait lui occasionner des mouvements d’impatience et d’inquiétude, et il changeait de physionomie à chaque instant, assis près de Sara qui profitait de ce délai pour s’armer de toutes ses forces pour la cérémonie. Au milieu de ce silence embarrassant Sitgreaves s’adressa à miss Peyton, à côté de laquelle il avait réussi à se procurer une chaise.
    – Le mariage, Madame, lui dit-il, est un état honorable aux yeux de Dieu et des hommes, et l’on peut dire que, dans le siècle où nous vivons, il est devenu conforme aux lois de la nature et de la raison. Les anciens en avaient perdu les lumières et condamné des milliers d’êtres au malheur en sanctionnant la polygamie. Mais le progrès des connaissances humaines a donné naissance à ce sage règlement qui défend à l’homme d’avoir plus d’une femme.
    Wellmere, en entendant cette remarque banale, jeta sur le docteur un regard dans lequel il entrait autant de courroux que de mépris.
    – J’avais cru, dit miss Peyton, que nous étions redevables de ce bienfait à la religion chrétienne.
    – Incontestablement, Madame, répliqua Sitgreaves. Il a été ordonné quelque part, dans les écrits des apôtres, que l’homme et la femme seraient à cet égard sur le pied de l’égalité ; mais jusqu’à quel point la polygamie ne pouvait-elle pas affecter la sainteté de la vie ? Ce fut sans doute un arrangement scientifique de saint Paul, qui était un homme instruit, et qui probablement avait eu de fréquentes conférences sur cet important sujet avec saint Luc, qui, comme tout le monde le sait, avait été élevé dans la pratique de la médecine.
    Miss Peyton ne répondit à cette savante discussion que par un autre salut qui aurait rendu muet un bon observateur ; mais le capitaine Lawton, qui pendant tout ce temps était resté assis le menton appuyé sur ses mains placées sur le pommeau de son sabre, dont le fourreau reposait sur le parquet, et portant alternativement les yeux sur le docteur et sur le colonel, prit la parole à son tour.
    – Cet usage existe pourtant encore dans certains pays, dit-il, et précisément dans ceux où il fut d’abord aboli par le christianisme. Le colonel Wellmere pourrait-il me dire quelle est la punition de la bigamie en Angleterre ?
    Wellmere leva les yeux sur celui qui l’interrogeait ; mais il les baissa sur-le-champ, ne pouvant supporter le regard perçant qu’il rencontra. Cependant un effort bannit le tremblement de ses lèvres et rendit quelque couleur à ses joues, tandis qu’il répondait :
    – La mort, comme le mérite un tel crime.
    Et la dissection, ajouta le docteur ; car nos législateurs ont été assez sages pour vouloir rendre le criminel utile à la société, même après la punition de son crime, et la bigamie en est un des plus odieux.
    – Plus que le célibat ? lui demanda Lawton d’un ton de sarcasme.
    – Sans aucun doute, répondit le chirurgien avec une simplicité imperturbable. Si le célibataire ne contribue pas à la multiplication de l’espèce humaine, il peut dévouer son temps à la propagation des lumières de la science. Mais le misérable qui abuse de la tendresse et de la crédulité du sexe le plus faible est aussi méprisable que criminel, et ne mérite aucune pitié.
    – Croyez-vous, docteur, que les dames doivent vous savoir beaucoup de gré de les représenter comme faibles et crédules ?
    – Vous ne pouvez nier, capitaine Lawton, que dans l’homme l’animal ne soit plus noblement formé que dans la

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