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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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partisans, il ne put être témoin, sans la plus vive émotion, du spectacle qui s’offrit à ses yeux. Il se pencha sur le corps épuisé de miss Singleton, ses yeux exprimant les mouvements extraordinaires qui agitaient son âme.
    – Isabelle, dit-il enfin, je sais que vous avez un courage au-dessus de la force de votre sexe.
    – Parlez, lui dit-elle ; si vous avez quelque chose à me dire, parlez sans crainte.
    – On ne peut survivre à une telle blessure, répondit-il en détournant la tête.
    – Je ne crains pas la mort, Lawton, répondit Isabelle. Je vous remercie de ne pas avoir douté de mon courage. J’ai senti sur-le-champ que le coup était mortel.
    – Une pareille fin ne devait pas vous être destinée, ajouta Lawton. C’est bien assez que l’Angleterre force tous nos jeunes gens à prendre les armes ; mais quand je vois la guerre choisir une victime telle que vous, mon métier me fait horreur.
    – Écoutez-moi, capitaine Lawton, dit Isabelle se soulevant avec peine, mais refusant toute assistance : depuis ma première jeunesse jusqu’à ce jour, je n’ai habité que les camps et les places de garnison, et c’était pour égayer les loisirs de mon père et de mon frère. Croyez-vous que j’eusse voulu changer ces jours de dangers et de privations pour le luxe et les plaisirs d’un palais d’Angleterre ? Non, ajouta-t-elle, tandis que ses joues pâles se couvraient d’une légère rougeur, j’ai la consolation de savoir, en mourant, que tout ce qu’une femme pouvait faire pour une pareille cause, je l’ai fait.
    – Qui pourrait voir un tel courage sans en être transporté ! s’écria le capitaine en appuyant la main sans y penser sur la poignée de son sabre. J’ai vu des centaines de guerriers baignés dans leur sang, mais jamais je n’ai vu une âme plus ferme.
    – Ah ! ce n’est que l’âme, dit Isabelle ; mon sexe et mes forces m’ont refusé le plus précieux des privilèges. Mais vous, capitaine Lawton, la nature a été libérale à votre égard : vous avez un cœur et un bras capables de faire trembler le plus fier des soldats anglais, et je sais que ce bras et ce cœur seront fidèles à votre patrie jusqu’à la fin.
    – Aussi longtemps que la liberté en aura besoin, et que Washington me montrera le chemin, répondit le capitaine avec un ton de détermination et un sourire de fierté.
    – Je le sais, dit Isabelle, je le sais, et George, et… Elle se tut, ses lèvres tremblèrent, et elle baissa les yeux.
    – Et Dunwoodie, dit Lawton. Plût au ciel qu’il fût ici pour vous voir et vous admirer !
    – Ne prononcez pas son nom, dit Isabelle en se laissant retomber sur le lit et en se cachant le visage. Laissez-moi, Lawton, et allez préparer mon frère à ce coup inattendu.
    Le capitaine resta encore quelques instants, regardant avec un intérêt mélancolique les convulsions dont tout le corps d’Isabelle était agité, et que ne pouvait cacher la mince couverture qui la couvrait. Enfin, il se retira et alla chercher Singleton. L’entrevue entre sa sœur et lui fut pénible, et pendant quelques instants Isabelle se livra à tout l’abandon de la tendresse fraternelle. Mais comme si elle eût su que ses heures étaient comptées, elle fut la première à faire un effort sur elle-même pour s’armer d’énergie. Elle insista pour que son frère et Frances fussent les seules personnes qui restassent auprès d’elle, et elle ne voulut pas même recevoir les soins de Sitgreaves, qui se retira enfin fort à contre-cœur. L’approche rapide de la mort donnait à la physionomie d’Isabelle un air d’égarement, et ses grands yeux noirs offraient un contraste frappant avec la pâleur cendrée de ses joues. Cependant Frances, penchée sur elle avec affection, trouvait un grand changement dans l’expression de ses traits. Cette hauteur, qui était le caractère habituel de sa beauté, avait fait place à un air d’humilité, et il n’était pas difficile de reconnaître que la fierté mondaine disparaissait pour elle avec le monde.
    – Soulevez-moi, dit-elle, que je voie encore une fois ce visage qui m’est si cher. Frances fit en silence ce que désirait sa compagne, et Isabelle dit, en tournant vers George des yeux où brillait encore toute l’affection d’une sœur : – Il m’importe que peu, mon frère… quelques heures vont finir cette scène.
    – Vivez, ma sœur, vivez, ma chère Isabelle ! s’écria le jeune officier

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