L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
elle recouvra la parole.
– Arrêtez, Peyton ! lui dit-elle, je ne puis vouloir vous tromper au moment de contracter un engagement si solennel. J’ai vu Henry depuis son évasion ; un temps bien court est tout ce qu’il faut pour sa sûreté. Voici ma main, je vous la donne maintenant volontiers, si vous ne la dédaignez pas.
– La dédaigner ! s’écria Dunwoodie avec transport ; je la reçois comme le plus beau présent du ciel. Il ne faut pas deux heures pour traverser les montagnes, et demain à midi je reviendrai avec la grâce de votre frère, signée par Washington. Henry nous aidera à égayer notre repas de noces.
– En ce cas, attendez-moi ici dans dix minutes, dit Frances, consolée par l’aveu qu’elle venait de faire et par l’espoir de la sûreté de son frère ; je reviendrai alors prête à prononcer les vœux qui m’attacheront à vous pour toute la vie.
Dunwoodie la pressa un instant contre son cœur, et sortit pour prévenir le ministre des fonctions qu’il allait avoir à remplir.
Miss Peyton apprit de sa nièce cette nouvelle avec beaucoup de surprise, et même avec un peu de mécontentement. C’était violer tous les principes d’ordre et de décorum, que de célébrer un mariage avec tant de précipitation et si peu de cérémonial. Mais Frances lui déclara avec une fermeté modeste que sa résolution était bien prise. Depuis longtemps sa famille avait consenti à cette union, qui n’avait été retardée que d’après son propre désir. Elle venait de donner sa parole à Dunwoodie, et elle la tiendrait. Elle ne pouvait en dire davantage sans se compromettre, car il aurait fallu entrer dans des explications dangereuses pour Birch ou pour Harper, et peut-être pour tous deux. Peu habituée à contester, et étant réellement attachée à son parent Dunwoodie, miss Peyton céda bientôt à la fermeté de sa nièce, et ne fit plus d’objections. M. Wharton était trop complètement converti à la doctrine de l’obéissance passive et de la nécessité de céder aux circonstances, pour résister aux sollicitations d’un officier qui avait autant de crédit que le major dans l’armée des rebelles ; et Frances, accompagnée par son père et sa tante, retourna dans l’appartement qu’elle venait de quitter, à l’expiration du court délai qu’elle avait fixé elle-même. Dunwoodie et le ministre y étaient déjà. Frances, en silence, et sans affectation de réserve, lui remit l’anneau de mariage de sa propre mère, et après quelques instants qu’elle employa pour se placer convenablement, ainsi que M. Wharton, miss Peyton consentit que la cérémonie commençât.
La pendule était précisément en face de Frances ; et ses yeux se fixèrent bien des fois avec inquiétude sur le cadran. Mais bientôt le langage solennel du ministre attira toute son attention, et son esprit ne fut plus occupé que des vœux qu’elle allait prononcer. La cérémonie fut bientôt terminée ; et comme le prêtre faisait entendre le dernier mot de la bénédiction, la pendule sonna neuf heures. Le délai demandé par Harper était alors écoulé, et Frances crut sentir son cœur soulagé d’un poids accablant.
Dunwoodie la serra dans ses bras, embrassa plusieurs fois miss Peyton, pressa la main de son beau-père et celle du ministre, et était encore dans l’ivresse de la joie quand on frappa à la porte. On l’ouvrit, et Mason entra.
– Nous sommes en selle, dit-il, et si vous le trouvez bon, nous partirons. Vous êtes si bien monté que vous aurez tout le loisir de nous rejoindre.
– Oui, mon brave Mason, oui, partez, répondit Dunwoodie saisissant avec empressement un prétexte pour rester quelques instants de plus ; je vous rejoindrai à la première halte.
Le lieutenant se retira pour exécuter ces ordres, et il fut suivi par M. Wharton et le ministre.
– Maintenant, Peyton, dit Frances, songez que c’est véritablement un frère que vous allez poursuivre ; je n’ai plus besoin de vous implorer pour lui, si vous avez le malheur de le rencontrer.
– Dites si j’ai ce bonheur, s’écria Dunwoodie ; car j’ai mis dans ma tête qu’il dansera à nos noces. Plût au ciel que je pusse le gagner à notre cause ! C’est la cause de son pays, et je combattrais avec bien plus de plaisir, Frances, si j’avais votre frère à mon côté.
– Ne parlez pas ainsi, Dunwoodie ! vous me faites faire de terribles réflexions.
– N’en parlons plus ;
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