L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
mais il faut que je vous quitte. Mason est parti, et je ne lui ai pas donné d’ordres. Mais plus tôt je partirai, Frances, plus tôt je serai de retour.
On entendit le bruit d’un cavalier qui approchait de la ferme au grand galop, et avant que le major eut le temps de finir ses adieux à son épouse et à sa tante, son domestique ouvrit la porte et fit entrer un officier. Il portait l’uniforme d’aide-de-camp, et Dunwoodie le reconnut pour être attaché à Washington.
– Major, dit l’officier après avoir salué les dames avec politesse, le général en chef m’a chargé de vous apporter cet ordre. Ayant exécuté sa mission, il s’excusa sur ce que son devoir l’appelait ailleurs, et repartit au même instant.
– Sur ma foi ! s’écria le major, voici nos affaires qui prennent une nouvelle tournure ; mais je comprends tout cela : Harper a reçu ma lettre, et nous éprouvons déjà les effets de son influence.
– Avez-vous des nouvelles favorables pour Henry ? s’écria Frances en accourant à son côté.
– Écoutez, et vous en jugerez :
« MONSIEUR,
« À l’instant où vous recevrez cette dépêche vous ferez marcher votre escadron de manière à vous trouver demain à dix heures du matin sur les hauteurs du Croton, en face du détachement ennemi qui couvre ses fourrageurs ; vous y trouverez un corps d’infanterie pour vous soutenir. On m’a fait un rapport sur l’évasion de l’espion anglais. Son arrestation est sans importance en comparaison du devoir que je vous donne à remplir. Si quelques-uns de vos gens sont à sa poursuite, rappelez-les sur-le-champ, et ne perdez pas un instant pour aller battre l’ennemi.
« Votre serviteur,
« GEORGE WASHINGTON. »
– Grâce au ciel ! s’écria Dunwoodie, me voilà délivré d’une tâche bien pénible ! Je puis maintenant marcher à mon devoir avec honneur.
– Et avec prudence, cher Peyton, dit Frances le visage pâle comme la mort. Songez, Dunwoodie, que vous venez de me donner un nouveau droit pour vous recommander le soin et la circonspection.
Le jeune major regarda avec transport ses traits charmants, quoique couverts de pâleur, et lui prenant la main, il la pressa sur son cœur en s’écriant :
– Mais à quoi bon tant de hâte ? Quand même je ne partirais que dans quelques heures, j’arriverai à Peekshill avant que mes dragons aient déjeuné. Je suis trop vieux soldat pour me hâter ainsi, et pour me laisser déconcerter.
– Non, partez sur-le-champ, dit Frances d’une voix étouffée ; ne négligez pas les ordres de Washington, et surtout soyez prudent, soyez circonspect.
– Je le serai par amour pour vous, s’écria Dunwoodie, en la serrant encore une fois dans ses bras. Frances pleura un instant sur son cœur, et il s’arracha d’auprès d’elle.
Miss Peyton se retira avec sa nièce, jugeant nécessaire, avant de s’en séparer pour la nuit, de lui prodiguer ses avis sur le chapitre des devoirs matrimoniaux. Si ces instructions n’étaient pas convenablement dirigées, du moins elles furent reçues avec docilité. Nous regrettons que l’histoire ne nous ait pas conservé cette dissertation précieuse ; mais tout ce que nos recherches ont pu nous apprendre, c’est qu’elle roulait principalement sur le gouvernement et l’éducation des enfants. Mais nous allons quitter ces deux dames pour retourner près du capitaine Wharton et de Harvey Birch.
CHAPITRE XXXII
Ne lui donnez pas le temps de dire un mot ; que l’absolution soit courte et la corde bonne.
Sir WALTER SCOTT.
Le colporteur et son compagnon furent bientôt descendus dans la vallée ; et après s’être arrêtés un instant pour écouter, n’entendant aucun bruit qui annonçât qu’on les suivît, ils prirent hardiment la grande route. Connaissant parfaitement les montagnes dont ils étaient entourés, Birch marchait en avant en silence, de ce pas allongé qui lui était particulier et qui appartenait à sa profession ; s’il eût été chargé de sa balle, il aurait eu l’air de n’être occupé que des affaires de son métier. Quelquefois, quand il s’approchait d’un de ces petits postes occupés par les troupes américaines, et dont il existait un grand nombre dans ces montagnes, il faisait un circuit pour éviter les sentinelles, et s’enfonçait sans crainte dans un bois fourré, ou gravissait une montagne escarpée que l’œil aurait jugée inaccessible. Mais Birch connaissait parfaitement
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