L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
l’avait placé.
Il y avait à peu près un an qu’on avait vu Birch rôder dans les environs du quartier général américain, dans un moment où l’on s’attendait à quelques mouvements importants. Dès que l’officier, dont le devoir était de garder les approches du camp avait eu avis de ce fait, il avait ordonné au capitaine Lawton de se mettre à sa poursuite et de l’arrêter. Celui-ci connaissant parfaitement les bois, les montagnes et les défilés, avait réussi dans sa mission. S’étant arrêté ensuite dans une ferme pour y prendre des rafraîchissements, il avait placé son prisonnier dans une chambre séparée, et avait mis à la porte deux sentinelles dont il était sûr. Tout ce qu’on put savoir par la suite, ce fut qu’on avait vu une femme s’occuper avec activité des ouvrages de la maison près des sentinelles, et qui avait surtout montré beaucoup d’empressement pour que rien ne manquât au capitaine, jusqu’au moment où il avait donné toute son attention à l’affaire sérieuse du souper. On ne revit ensuite ni la femme ni le colporteur. À la vérité on retrouva la balle de celui-ci, mais ouverte et presque vide, et une petite porte communiquant à une chambre voisine de celle où Harvey avait été enfermé, était aussi restée ouverte.
Le capitaine Lawton ne put jamais lui pardonner ce tour. Il ne haïssait pas ses ennemis avec modération, et la fuite du colporteur était une insulte à sa pénétration, dont il conserva une profonde rancune. En ce moment il réfléchissait encore à cet exploit de son ci-devant prisonnier, gardant le silence, mais n’en perdant pas un coup de dent. Il avait eu le temps de déjeuner longuement et fort à son aise, quand le son martial d’une trompette se fit entendre à ses oreilles, et retentit dans toute la vallée. Il se leva sur-le-champ et s’écria :
– À cheval, messieurs ! vite à cheval ! voici Dunwoodie qui arrive. Et suivi de ses officiers il sortit précipitamment.
À l’exception des sentinelles laissées pour garder le capitaine Wharton tous les dragons montèrent à cheval et marchèrent à la rencontre de leurs camarades.
Le prudent capitaine Lawton n’oublia en cette occasion aucune des précautions nécessaires dans une guerre où la ressemblance de langage, de costume et d’usage rendait la circonspection doublement indispensable. Cependant lorsqu’il fut assez près d’un corps de cavalerie deux fois plus nombreux que le sien, pour être bien sûr qu’il ne se trompait pas, Lawton fit sentir l’éperon à son coursier, et en un moment il fut à côté de son commandant.
La pelouse en face de la maison fut de nouveau occupée par la cavalerie ; on prit les mêmes mesures de précaution qu’auparavant, et les soldats nouvellement arrivés se hâtèrent de prendre leur part des rafraîchissements qui avaient été préparés pour leurs camarades.
CHAPITRE VI
Prépare ton âme, jeune Azime ! Tu as bravé les guerriers de la Grèce, encore puissante quoique dans les fers ; tu as fait face à sa phalange, armée de toute sa renommée ; tu as opposé un cœur ferme, un front intrépide aux piques macédoniennes et aux globes de feu ; mais une épreuve plus dangereuse t’attend maintenant. – Les yeux brillants d’une femme… Que les conquérants vantent leurs exploits ; – celui dont la vertu arme le cœur jeune et ardent contre les attraits de la beauté, qui est sensible à ses charmes, mais qui défie son pouvoir, est le plus brave et le plus grand de tous les héros.
T. MOORE. Lalla-Rookh .
Miss Peyton et ses deux nièces s’étaient approchées d’une fenêtre d’où elles regardaient avec un vif intérêt la scène que nous venons de décrire. Sara vit arriver ses concitoyens avec un sourire de dédain méprisant, ne voyant en eux que des hommes armés pour soutenir la cause impie de la rébellion. Miss Peyton, en considérant la bonne tenue de cette troupe, éprouvait un sentiment de satisfaction et de fierté, en songeant que c’était la colonie dans laquelle elle avait reçu le jour qui avait fourni cette cavalerie d’élite. Frances la regardait avec un intérêt profond qui bannissait toute autre pensée.
Les deux troupes ne s’étaient pas encore réunies, quand son œil perçant distingua parmi ceux qui arrivaient un cavalier au milieu de tous ceux qui l’entouraient. Son coursier semblait sentir lui-même qu’il ne portait pas un soldat ordinaire. Ses pieds ne
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