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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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courba comme par suite d’une souffrance subite ; ses bras tombèrent à ses côtés comme paralysés, tandis que tous ses doigts remuaient involontairement ; en un mot tout son extérieur annonçait que son âme était déchirée par l’angoisse la plus cruelle. Mais il résista à son émotion, et elle ne fut que momentanée. Il se redressa, reprit haleine avec force, et regarda autour de lui la tête levée, en paraissant s’applaudir d’avoir remporté la victoire. La fosse fut bientôt remplie. Une pierre brute placée à l’une des extrémités en marqua la place, et un gazon fané, symbole de la fortune du défunt, couvrit avec une apparence de décence le tertre funéraire. Les voisins qui l’avaient aidé à rendre les derniers devoirs à son père se tournèrent vers Harvey en ôtant leur chapeau, et le colporteur, qui se sentait alors véritablement seul au monde, se découvrit la tête à son tour, et leur dit, après avoir pris un moment pour recueillir ses forces :
    – Mes amis, mes voisins, je vous remercie de m’avoir aidé à ensevelir mon père et à me séparer de lui.
    Une pause solennelle succéda à ces paroles d’usage, et le groupe se dispersa en silence. Quelques-uns accompagnèrent Harvey jusqu’à sa chaumière, mais ils eurent la discrétion de le quitter quand il arriva. Il entra avec Katy, et ils y furent suivis par un homme bien connu dans tous les environs, et qu’on avait surnommé le Spéculateur. Le cœur de Katy s’émut de funestes pressentiments en le voyant entrer ; mais Harvey s’attendait évidemment à cette visite, et il lui présenta civilement une chaise.
    Le colporteur alla à la porte, jeta un regard inquiet de tous côtés dans la vallée, rentra à la hâte, et commença le dialogue suivant :
    – Le soleil n’éclaire déjà plus le haut des montagnes de l’orient, le temps me presse ; voici le contrat de vente de la maison et du jardin ; il est en bonne forme, suivant les lois.
    L’étranger prit le papier et en examina le contenu avec une lenteur qui venait, soit de l’attention qu’il voulait y donner, soit de ce que son éducation avait été malheureusement négligée dans sa jeunesse. Le temps qu’occupa ce long examen fut employé par Harvey à rassembler divers objets qu’il avait dessein d’emporter en quittant pour toujours son habitation. Katy lui avait déjà demandé si le défunt avait laissé un testament, et elle l’avait vu placer la grande Bible au fond d’une nouvelle balle qu’elle lui avait préparée elle-même ; mais voyant que les six cuillers d’argent restaient à côté de la balle, elle ne put supporter une telle négligence, et elle rompit le silence en s’écriant :
    – Quand vous vous marierez, Harvey, vous regretterez ces cuillers.
    – Je ne me marierai jamais, répondit-il laconiquement.
    – Vous en êtes bien le maître, Harvey ; mais il n’est pas besoin de prendre un pareil ton pour le dire. À coup sûr personne ne songe à vous épouser. Je voudrais bien savoir pourtant quel besoin peut avoir un homme seul de tant de cuillers ; quant à moi, je pense qu’un homme si bien pourvu doit en conscience avoir une femme et une famille.
    À l’époque où Katy parlait ainsi, la fortune d’une femme de sa classe consistait en une vache, un lit, des draps, des serviettes et autre linge, ouvrage de ses propres mains, et quand la fortune l’avait particulièrement favorisée, une demi-douzaine de cuillers d’argent. L’industrie et la prudence de la femme de charge l’avaient déjà pourvue de tous les premiers objets ; mais le dernier article lui manquait encore ; et l’on peut s’imaginer que ce fut avec un sentiment de regret fort naturel qu’elle vit tomber dans la balle des cuillers qu’elle avait si longtemps regardées comme devant lui appartenir un jour, regret que ne contribuait pas à adoucir la déclaration laconique d’Harvey. Celui-ci, sans s’inquiéter de ce qu’elle pouvait penser, n’en continuait pas moins à remplir sa balle, qui atteignit bientôt ses dimensions ordinaires.
    – Je ne suis pas sans inquiétude sur cette acquisition, dit enfin le Spéculateur en terminant sa lecture.
    – Et pourquoi ? demanda vivement Harvey.
    – Je crains qu’elle ne soit pas valable en justice. Je sais que deux voisins se proposent d’aller demander demain la confiscation de cette maison, et si je vous en donnais quarante livres sterling et que je vinsse à les perdre,

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