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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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lança:
    â€” Au sujet des élections, le député Hermann Barrette doit tenir une assemblée publique demain en début de soirée sur le perron de l’église de Saint-Jérôme. Si nous y allons en foule, nous saurons ce qu’il pense de cette question… lui.
    Car l’abstention de David valait un engagement en défaveur de leur mouvement, aux yeux de ces militants. Très vite ensuite, les manifestants quittèrent la salle du conseil. Sur le pas de la porte, Renaud demanda à son compagnon:
    â€” Aurez-vous la curiosité d’aller à Saint-Jérôme demain, afin de voir ce que notre représentant à Québec pense du problème israélite?
    â€” Pourquoi pas. Après tout, le golf et les promenades sur le lac deviennent un peu lassants.
    â€” Accepteriez-vous d’y venir avec moi?
    â€” Ce sera avec plaisir. Nous pourrons discuter du futur du Parti libéral à l’aller comme au retour.

    Encore une fois, la chambre à coucher abritait une conversation politique. Combien de couples ne trouvaient rien de mieux à faire sous le ciel étoilé de Sainte-Agathe?
    â€” Et bien sûr tu vas y aller?
    â€” Je ne peux tout de même pas poser un lapin à David. Je lui ai dit que j’irais.
    En résumant les événements de la soirée, Renaud avait réussi à laisser entendre que l’initiative de la promenade à Saint-Jérôme venait du politicien. Il enchaîna:
    â€” Cela ne présentera aucun danger: nous serons au milieu de centaines de sympathisants de l’Union nationale.
    â€” Sans danger? Deux libéraux au milieu d’adversaires…
    â€” Ce ne sont pas des gens menaçants. Idiots de voter pour Maurice Duplessis, mais inoffensifs. Tu peux venir avec nous, et Nadja aussi, si tu veux…
    â€” Dois-je te rappeler que les femmes n’ont pas le droit de vote aux élections provinciales? Alors ne compte pas sur moi pour gaspiller une seconde de mes vacances à entendre un politicien qui me considère comme trop stupide pour faire une croix sur un bout de papier, au moment du suffrage.
    En 1939, le Québec demeurait la seule province canadienne à refuser aux femmes le droit de participer aux élections. Bien sûr, elles votaient au fédéral depuis 1921.
    Mais comme l’Église catholique s’opposait au suffrage féminin, les libéraux jusqu’en 1936, l’Union nationale depuis, n’avaient pas osé mettre le territoire à l’heure de l’Amérique du Nord.

    Comme l’avocat l’avait prédit, l’assemblée politique regroupait des agriculteurs, des villageois et des estivants de tous les âges, tous des hommes, mais personne ne se montrait particulièrement menaçant. Le climat serait certainement plus tendu après le déclenchement des élections, alors que le sujet principal des discours serait la participation canadienne à une guerre européenne, sur fond de conscription.
    Un petit homme rondelet, Hermann Barrette, évoqua pendant quarante minutes environ sa contribution, extrêmement modeste, aux travaux menés au «Salon de la race». Peu après les élections de 1936 qui l’avaient conduit au poste de premier ministre, Maurice Duplessis commença à désigner l’Assemblée législative par cette expression pompeuse. Elle s’était imposée avec une étonnante facilité dans le vocabulaire des politiciens et des journalistes. Dans un contexte de plus en plus intolérant, voilà une façon simple d’exclure de la communauté politique quiconque ne faisait pas partie de la population canadienne-française. Anglophones et Juifs, comme toutes les autres minorités, se faisaient signifier par le parti au pouvoir, et par tous ceux qui reprenaient le concept de «Salon de la race», leur statut d’intrus.
    Que l’idée du nouveau vocable soit venue de Maurice Duplessis, qui avait peu de temps auparavant affublé son nouveau parti du nom d’Union nationale et mené sa campagne avec à la main un Catéchisme des électeurs – la même année la population faisait d’ailleurs connaissance avec le livre L’Appel de la race , présenté en page couverture comme un Catéchisme national –, ne pouvait étonner. Les quelques Canadiens anglais membres de ce parti paraissaient une

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