L'Eté de 1939 avant l'orage
garde de ne rien publier qui pourra être interprété comme favorable à lâennemi. Ce sera facile: évitez simplement de déclarer votre admiration pour les pays fascistes. De plus, lors de petites soirées comme celle-ci, nâinvitez que des conférenciers qui ont un cerveau.
Par exemple, un type qui déclame des extraits du Protocole des sages de Sion , comme lâautre fois, cela ferait mauvais genre.
Enfin, des discours ou des écrits défavorables à lâeffort de guerre ne vous rendraient pas service.
â Mais vous êtes en train dâétablir une dictature tout en prétendant être engagé dans une croisade pour défendre la liberté⦠Car câest la prétention de votre gouvernementâ¦
â Mon cher collègue Vanier, je suppose que vous parlez de la dictature de la majorité canadienne-anglaise qui sâexerce sur la minorité canadienne-française? Votre ami, monsieur Laurendeau, est allé en Europe il y a un ou deux ans pour célébrer ses épousailles. Il pourra vous expliquer ce que sont les régimes du Portugal, dâEspagne, dâItalie, dâAutriche avant ou après lâ anschluss , dâAllemagne. Dans lâun ou lâautre de ces pays, je me serais amené ici avec des hommes en uniforme noir, et vous vous trouveriez déjà dans une cave à goûter une médecine musclée, pour finir suspendu à un crochet de boucher. Moi, je me présente à vous en ami et en collègue, pour évoquer les règles que nous sommes à préparer. Elles vous laisseront une liberté de parole dont ne jouit présentement aucun Allemand.
Une nouvelle pause se prolongea de longues secondes, puis André Laurendeau prit le relais pour répondre dâun ton plus posé:
â Nous vous remercions de vous être déplacé pour nous donner ces conseils. Nous en ferons bon usage, soyez-en certain.
â Je suis heureux de lâentendre. Sur ce, je vous souhaite le bonsoir. La journée a été épuisante.
â Elle a fait cela!
Renaud Daigle était rentré dans une maison silencieuse, mais Virginie attendait son retour au lit, un roman à la main.
En enlevant ses vêtements, son mari lui avait relaté sa visite chez Myriam Davidowicz.
â Cela me semble tellement difficile à croire, expliquait le mari. Tu sais, si je ne tâavais pas rencontréeâ¦
â Tu aurais fait ce qui allait de soi pour sa famille, épouser Ãlise. Tu serais ministre aujourdâhui, plutôt que dâendurer une femme qui te turlupine pour te faire acheter un autre cinéma.
â Ou alors elle mâaurait mis une balle dans la tête à la première de mes excentricités.
â Ah! Pour ça, jâai du mérite.
Lâhumour sonnait tout à fait faux. Au moment de se coucher, sur un ton sérieux, lâhomme continua:
â Farah-Lajoie tout comme la sÅur Davidowicz en sont convaincus. Tu sais ce qui me donne froid dans le dos? Pas le meurtre, ce genre de chose est si facile, des millions dâindividus vont sâen rendre compte dans cette guerre. La froideur de la machination, ce médecin qui vient me voir à la maisonâ¦
â Il ne pouvait tout de même pas savoir que jâirais le consulter quelques jours plus tôt! lâinterrompit Virginie.
â Je suppose quâil sâagit dâun heureux hasard. Sans doute aurait-il frappé à la porte de toute façon, puisquâÃlise avait déjà pris le rendez-vous pour moi auprès de Lapointe. Ou il aurait téléphoné. Quelles étaient les chances pour que je refuse de rencontrer un député libéral désireux de me parler?
â Nulles.
Littéralement, le gouvernement le faisait vivre. à moins dâune obligation incontournable, Renaud ne se serait pas dérobé.
â Il mâa quitté pour aller établir son alibi grâce au souper avec sa sÅur. Au même moment, déguisée, Ãlise attendait à un demi-mille, tout au plus à un mille, de notre maison, préparant son coup. Et le lendemain, elle pleurnichait pour que je lui apporte mon aide⦠Pourquoi diable tenait-elle à me mêler à tout cela?
Cela demeurait bien le plus mystérieux, dans toute cette affaire. Nâimporte quel criminaliste aurait mieux valu.
â Tâai-je déjà dit que je te
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