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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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certain temps pour atteindre l’entrée. À la vue de Farah-Lajoie, le sang se retira d’un coup de son visage.
    â€” Madame Laliberté, je m’excuse de vous déranger encore une fois. Je vous présente mon collègue, Renaud Daigle, qui enquête avec moi sur la mort de Ruth Davidowicz.
    Nous aimerions vous poser encore quelques questions.
    â€” … Je ne sais rien de plus que la dernière fois.
    L’avocat se sentait terriblement mal à l’aise de se trouver là, conscient que cette jeune épouse, enceinte jusqu’aux yeux, pouvait s’effondrer devant lui.
    â€” Madame Laliberté, je sais que ce n’est pas tout à fait vrai. Laissez-nous entrer une minute. Vous ne risquez absolument rien, je vous l’assure.
    Hébétée, elle se tassa de côté pour leur permettre de passer. L’ex-policier se dirigea tout droit vers le petit salon, invita la jeune femme à prendre place sur le meilleur fauteuil, s’assit près d’elle et commença, de la sollicitude dans la voix:
    â€” Je vais vous dire ce que je sais. Si je me trompe, reprenez-moi. Si j’ai raison, contentez-vous de garder le silence.
    Le soir du 21 mai, vous vous êtes rendue au restaurant De Gascogne avec Arden. Sans doute est-il venu vous chercher ici. Le serveur a reconnu votre photo, il s’est souvenu de vous parce que, enceinte, vous avez refusé de prendre du vin.
    Myriam Laliberté resta coite, les yeux clos, des larmes sur les joues.
    â€” La table avait été réservée par Élise Trudel, la maîtresse de votre frère. Cela devait servir à les innocenter tous les deux. Le lendemain, ou le surlendemain, quand les journaux ont donné l’heure de la mort, vous avez compris. Mais comme il s’agissait de votre frère, vous n’avez pas osé me le dire, lors de ma première visite.
    â€” Ce n’est pas lui. Elle l’a tuée. Ce soir-là, il était avec moi. Le désir de disculper son frère l’amenait à charger sa compagne. Toutefois, si la femme avait pressé la détente, à moins d’une confession, il serait impossible de savoir qui avait eu l’idée en premier.
    â€” Que m’arrivera-t-il? Le bébé… commença-t-elle.
    â€” Il ne va rien vous arriver. Vous avez été utilisée. Les jours suivants, aucun policier ne s’est occupé de vous interroger. Vous n’êtes complice de rien. Ne vous inquiétez pas.
    â€” Mais moi, j’aurais pu avertir la police. Puis, la première fois, je vous ai menti.
    â€” La police aurait dû vous rencontrer. Elle ne l’a pas fait.
    Vous connaissez quelqu’un qui pourrait venir vous tenir compagnie, cet après-midi?
    La mine désespérée de la future parturiente préoccupait les deux hommes.
    â€” …
    â€” Je ne vous laisserai pas seule, ce ne serait pas prudent dans votre état. Je peux téléphoner à une parente, une voisine, une amie…
    â€” Ma belle-sœur…
    La jeune femme donna le numéro de téléphone, Farah-Lajoie se déplaça dans la cuisine afin de l’appeler. Devant une femme enceinte devenue trop pâle, un peu haletante, les yeux résolument clos, Renaud Daigle acceptait lentement l’évidence: l’enquêteur avait raison.
    â€” Elle arrivera dans quelques minutes, déclara doucement Farah-Lajoie. Voulez-vous que je vous aide à vous rendre à votre chambre?
    â€” … Non, je l’attendrai ici.
    â€” Moi et mon collègue allons demeurer dans la cuisine jusqu’à son arrivée.
    L’avocat se leva, heureux d’échapper au désarroi de cette dame. Cinq minutes plus tard, après avoir ouvert à une visiteuse inquiète, les deux hommes se hâtèrent de regagner la voiture. Au moment où l’enquêteur démarra, Renaud déclara:
    â€” Je compte me rendre à Ottawa samedi prochain. Le vote sur la participation à la guerre aura lieu ce jour-là. Je tiens à en être témoin, cette guerre sera pire que la dernière.
    Désirez-vous m’accompagner?
    â€” Entendu. J’en profiterai pour essayer de voir votre amie. J’espère seulement que notre intervention d’aujourd’hui ne l’enverra pas en Pologne, ou ailleurs, elle aussi.
    Ce que l’enquêteur voulait dire, c’était que la moindre indiscrétion

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